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Comment appréhender la suspension des essais balistiques nord-coréens ?

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Alors que Kim Jong-un s’apprêterait à rencontrer Donald Trump d’ici quelques semaines, le dirigeant nord-coréen a annoncé le 21 avril dernier, la suspension des essais nucléaires et des tests de missiles intercontinentaux auxquels s’employait le pays depuis 2006. De plus, Kim Jong-un a déclaré la fermeture d’un site d’essais nucléaires situé dans le nord du pays. Une décision saluée par les États-Unis, la Chine et la Corée du Sud et jugée surprenante par les médias. Tous s’accordent sur le caractère positif du message envoyé par Pyongyang. Si les signes de bonne volonté de Pyongyang depuis le début de l’année 2018 laissent envisager une désescalade des tensions dans la péninsule, il ne faut pas omettre pour autant les avancées notables du régime nord-coréen dans le domaine nucléaire.

Une décision pas si surprenante

La rencontre annoncée entre Kim Jong-un et Donald Trump sera historique et les nord-coréens auront un objectif clair : la diminution des sanctions économiques qui pèsent sur le pays. La suspension des essais nucléaires peut être interprétée comme un argument de bonne volonté de la part des nord-coréens en prévision de cette rencontre. La réalité est plus complexe, en effet la République Populaire Démocratique de Corée (RPDC) est devenue une puissance nucléaire. Elle posséderait aujourd’hui plus de 10 bombes nucléaires (selon l’International Campaign to Abolish Nuclear Weapons, ICAN). L’annonce de la fin des essais de tirs balistiques peut donc également signifier que Pyongyang est arrivé à atteindre son objectif et peut désormais mettre en place une stratégie de dissuasion nucléaire. Les essais seraient de moins en moins utiles au pays, raison pour laquelle Pyongyang suspend son programme pour entrer dans une phase de négociation diplomatique.

Le parlement nord-coréen dominé par les figures de Kim Il-Sung et de Kim Jong-il

Une séquence diplomatique importante pour Pyongyang

Car, si la RPDC est devenue une puissance nucléaire, elle ne peut uniquement se cacher derrière ce statut. Pour prospérer il lui faut se développer en interne. Les sanctions économiques sont aujourd’hui un véritable handicap pour le développement du pays. En septembre 2017, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté un embargo partiel et progressif sur le pétrole et un embargo total sur le gaz contre la République Populaire Démocratique de Corée. La Chine et la Russie, souvent accusées de saper la stratégie de restriction internationale contre Pyongyang ont également voté ces sanctions. Il s’agissait alors de la huitième série de mesures contre le régime nord-coréen depuis 2016. La RPDC étant arrivée à ses fins nucléaires, elle peut désormais tenter des négociations et viser l’assouplissement des sanctions.

Reste à savoir quels seront les objectifs de ces éventuelles négociations côté américain, sud-coréen et japonais. L’arrêt des essais balistiques sera t-il suffisant pour assouplir le régime de sanctions contre Pyongyang, ou alors, est-ce que la dénucléarisation de la Corée du Nord sera un préalable aux négociations ?

Dans le premier cas, il s’agirait d’une double victoire pour le régime nord-coréen, puisqu’en plus de l’acquisition du statut de puissance nucléaire, le régime arriverait à négocier la réduction des sanctions internationales*. Cela lui permettrait notamment de pouvoir reprendre des relations commerciales plus solides avec la Chine et ainsi d’assurer son développement et sa pérennité au niveau national. Le pays pourrait également évoluer dans un climat de sécurité au niveau international, grâce à une forme de dissuasion nucléaire. Si ce scénario a pour avantage de diminuer les tensions avec Pyongyang, il soulignerait l’incapacité de la communauté internationale à faire respecter ses objectifs de non prolifération. Il pourrait dès lors constituer un précédent pour d’autres États souhaitant se nucléariser. Dans le second cas – la dénucléarisation comme préalable aux négociations – et si aucun accord n’aboutit, l’escalade des tensions serait à même de reprendre dans la péninsule. La séquence diplomatique à venir s’annonce donc délicate pour le trio Washington – Séoul – Tokyo.

*Des sanctions à l’origine censées dissuader la Corée du Nord de mener à bien son programme nucléaire.

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Fabien HERBERT

Fabien Herbert est Président des Yeux Du Monde et rédacteur géopolitique pour l'association depuis mars 2016. Formé à l’Université Catholique de Louvain, Fabien Herbert est journaliste et analyste spécialisé en relations internationales. Il s’intéresse notamment au monde russophone, au Moyen-Orient et à l'Asie du Nord-Est.

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