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Le Lapis Lazuli Corridor, entre luttes d’influence et développement local

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Réunis à Bakou le 5 avril dernier, les pays du « mouvement des non-alignés », avatar de la Guerre froide, se sont prononcés en faveur du Lapis Lazuli Corridor (LLC). Pourtant, ce projet d’infrastructures multimodales autour de l’énergie et des transports, reliant l’Afghanistan à la Géorgie, illustre les luttes d’influences pour être présent dans cette zone commerciale stratégique.

Un carrefour d’influences

Plusieurs corridors se font concurrence dans la région

Ce projet a d’abord été annoncé en 2011 par Hillary Clinton, alors secrétaire d’État, avec pour toile de fond le retrait des troupes américaines d’Afghanistan. Le financement d’un corridor régional par des fonds américains devait en effet servir de preuve concernant l’engagement des États-Unis à long terme dans la région. Il est d’autant plus symbolique qu’il concerne d’anciennes Républiques Socialistes Soviétiques, que le président russe Vladimir Poutine considère comme relevant directement de sa sphère d’influence. Ce projet vient de fait concurrencer le North South Transport Corridor (NSTC), corridor commercial reliant la Russie à l’Inde passant par le Caucase, créé en 2002.

Le LLC affecterait les exportations d’hydrocarbures, fer de lance de l’économie russe et utilisées comme arme géopolitique. Sa création pourrait en effet offrir une nouvelle option énergétique à l’Union européenne, puisque le Turkménistan est le 4e exportateur mondial de gaz. De ce fait, l’UE pourrait réduire sa dépendance aux importations de gaz russe. Alors que l’on a récemment parlé d’un retour à une atmosphère de Guerre froide, cet investissement aux conséquences géopolitiques rappelle donc la théorie du Rimland de Spykman.

Cependant, la Chine a également rejoint la compétition à l’influence. Elle s’est également proposée pour financer le projet, officieusement dans le cadre de l’initiative One Belt One Road. Effectivement, la puissance émergente tente depuis le début du XXIe siècle de nouer des liens avec l’Asie centrale. Tandis qu’elle a déjà dédié un tronçon de ses « nouvelles routes de la soie » au corridor pakistanais (China-Pakistan Economic Corridor – CPEC), elle veut saisir cette opportunité pour ouvrir des débouchés commerciaux et diversifier ses importations énergétiques.

Un projet répondant aux objectifs des pays concernés

L’enthousiasme des pays concernés témoigne de leurs intérêts dans ce projet. Il satisfait en effet de nombreuses aspirations nationales. Ainsi, l’Afghanistan espère ainsi transformer le fardeau de l’enclavement en une chance de devenir une plateforme commerciale. Son absence d’accès maritime l’éloigne des flux commerciaux, et rend le pays dépendant de ses voisins. Dans cette optique, le LLC représente un accès plus direct et moins cher à l’Europe. De même, le Turkménistan exporte actuellement son gaz en majorité vers la Russie, l’Iran et la Chine. L’Europe constitue donc un marché potentiel. D’autant plus que son Programme National de Développement Socio-économique lancé en 2011 prévoit d’accroître les connexions avec la mer Caspienne et la Mer noire d’ici 2030.

Enfin, le LLC traverse l’Azerbaïdjan et la Géorgie, les États alliés des Américains. Ils y voient une occasion supplémentaire pour prendre de la distance  avec la Russie, tout en s’intégrant au commerce mondial et en gagnant en poids sur la scène internationale. Enfin, le corridor sera connecté à la Turquie, consacrant encore plus son leadership régional.

Enfin, ce corridor pourrait lancer la machine de l’intégration régionale dans une zone encore trop cloisonnée. Il suppose à terme une convergence des politiques douanières, et l’établissement de zones franches dans les régions transfrontalières. L’avenir seulement dira si ce corridor favorisera plus les appétits géopolitiques étrangers que les objectifs de développement locaux.

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