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Xuexi Qiangguo : coulisses du succès de l’application du PCC

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En janvier 2019, le groupe Alibaba a lancé une nouvelle application mobile en Chine. Xuexi Qiangguo permet une large diffusion de contenu pro-gouvernemental et pro-PCC (Parti Communiste Chinois). L’utilisation des nouvelles technologies par le pouvoir chinois est croissante, et soulève des interrogations sur la voie choisie par Xi Jinping.

Jack Ma, fondateur d'Ali Baba, le groupe qui a développé Xuexi Qiangguo.
Jack Ma, fondateur d’Alibaba, le groupe qui a développé Xuexi Qiangguo.

Xuexi Qiangguo peut se traduire par « Étude pour rendre la Chine forte ». C’est Alibaba, mastodonte du e-commerce, qui a développé cette application. Sur demande du gouvernement, une équipe du groupe formée pour des projets spéciaux et extérieurs a travaillé sur ce nouvel outil numérique, sorti en janvier 2019[1].

Un grand succès a suivi, avec près de 44 millions de téléchargements[2]. Xuexi Qiangguo permet à son utilisateur de lire des articles, répondre à des questionnaires et visionner des vidéos en lien avec la doctrine du Parti.

Un article lu sur Xuexi Qiangguo, un point gagné

Plusieurs raisons expliquent la popularité de cette nouvelle forme de propagande du PCC. Les établissements publics ont transmis des directives afin que les membres du Parti la téléchargent. En parallèle, l’application fonctionne via un système qui est pour le moins encourageant à l’utilisation. Lire un article ou regarder une vidéo permet de gagner un ou plusieurs points. Puis, ces derniers peuvent être convertis en cadeaux, de la batterie de cuisine à la tablette tactile. Afin d’éviter une baisse d’efficacité au travail, les horaires rapportant le plus de points sont limités. Entre 6h30 et 8 heures, entre midi et quatorze heures puis entre 20 heures et 22h30, les points gagnés doublent.

Les employés de l’État n’ont pas officiellement l’obligation de l’utiliser, mais c’est en pratique fortement recommandé. La perspective d’améliorer son image, voire même d’obtenir une promotion, poussent à lire assidûment le contenu de Xuexi Qiangguo.

Un contexte international sensible aux avancées technologiques chinoises

L’application a été créée dans un contexte international sensible vis-à-vis des avancées technologiques chinoises. L’affaire Huawei, qui divise, est un exemple récent. La stratégie de « fusion militaire-civil »[3], basée sur le transfert d’expertise technologique en intelligence artificielle du secteur privé vers le militaire à laquelle s’associe Baidu – une entreprise internet chinoise -, inquiète de même.

Au-delà de la Chine, c’est la personne de Xi Jinping qui est au centre de l’application. D’ailleurs, la traduction de Xuexi Qiangguo peut aussi être « Étudier Xi pour rendre la Chine plus forte ». Mis à part la question évidente du contrôle de la population via les nouvelles technologies, la voie qu’emprunte le pouvoir chinois interroge. La politique du président Xi Jinping n’a cessé de devenir de plus en plus personnifiée depuis 2013.

Cette notion entre en conflit avec le concept collectif de la « dictature populaire démocratique » de la République Populaire Chinoise. Un paradoxe semble émerger, dans un contexte d’opposition grandissante au sein du PCC[4]. Pouvant désormais être président à vie, cette vision politique de Xi Jinping pourra-t-elle perdurer à la fois intérieurement mais aussi vis-à-vis de la communauté internationale ? Le modèle chinois devra en effet, s’il ambitionne de se positionner comme alternative à la démocratie libérale, conserver sa cohérence.

Sources

[1] LI Pei et CADELL Kate, « Chine : une application de propagande conçue par Alibaba », Reuters, 18 février 2019.

[2] LEMAÎTRE Frédéric, « Xi Jinping s’invite dans le smartphone des Chinois », Le Monde, 19 février 2019.

[3] PÉRIÉ Jessy, « Baidu et la nouvelle stratégie chinoise de « fusion militaire-civil » dans l’IA », La Lettre du Lundi, 18 novembre 2018.

[4] PÉRIÉ Jessy, « Nouvelle directive du PCC sur le travail politico-légal : le contrôle et le paradoxe », La Lettre du Lundi, 18 février 2019.

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Jessy PÉRIÉ

Diplômée d'un Master 2 en Géopolitique et prospective à l'IRIS, Jessy Périé est analyste géopolitique et journaliste, spécialisée sur la zone Asie orientale. Elle s'intéresse particulièrement aux questions de politique extérieure chinoise et japonaise.

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