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Prosur, pour une nouvelle tentative d’intégration en Amérique Latine

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Face aux difficultés que rencontre l’UNASUR, sept dirigeants sud-américains libéraux et conservateurs, à l’initiative des présidents Sebastián Piñera (Chili) et Iván Duque (Colombie), ont décidé la création d’une nouvelle entité, le Prosur, pour relancer l’intégration régionale. Il n’est cependant pas certain que cette énième initiative puisse atteindre l’éternel objectif d’intégration de l’Amérique Latine.

Les présidents Sebastián Piñera (Chili) et Iván Duque (Colombie) sont à l’origine de l’initiative d’intégration Prosur.
Les présidents Sebastián Piñera (Chili) et Iván Duque (Colombie) sont à l’origine de l’initiative d’intégration Prosur.

Réunis vendredi 22 mars dernier à Santiago (Chili), sept dirigeants sud-américains ont signé la Déclaration de Santiago pour “le renouveau et le renforcement de l’intégration de l’Amérique du Sud”. Le document, signé par les présidents de l’Argentine, du Brésil, de la Colombie, de l’Equateur, du Paraguay, du Pérou, du Chili et par un représentant du Guyana, jette les bases d’une nouvelle entité d’intégration régionale : le Forum pour le Progrès de l’Amérique du Sud, ou Prosur. Ce nouveau bloc est destiné à remplacer l’Union des nations sud-américaines (UNASUR).

Une entité née des cendres de l’UNASUR

Créée en 2008 et promue par les présidents vénézuélien Hugo Chávez et brésilien Lula, l’UNASUR avait pour vocation de réduire les tensions régionales en Amérique du Sud grâce à une union économique et politique supranationale pour contrer l’influence des États-Unis au sein du sous-continent. Onze ans après sa création, la communauté s’est effondrée en raison de désaccords politiques entre les dirigeants de la région, notamment sur la question venezuelienne.

Alors que les présidents des États membres de l’organisation ne se sont plus rencontrés depuis 2015, l’UNASUR n’a plus ni siège, ni secrétaire général depuis deux ans. Des douze États membres que comptait l’UNASUR, seuls la Bolivie, le Guyana, le Suriname, l’Uruguay et le Venezuela en font toujours partie. Le Chili et le Pérou ont suspendu leur participation à l’organisation, l’Argentine, le Brésil, la Colombie, l’Équateur et le Paraguay s’en sont officiellement retirés.

Prosur : une nouvelle tentative d’intégration

Prosur, qui sera mis en place “graduellement”, aura une “structure flexible, légère, peu coûteuse, avec des règles de fonctionnement claires et un mécanisme simple de prise de décisions” pour faciliter une meilleure intégration régionale. La santé, la défense, la lutte contre le crime ou encore la gestion des catastrophes naturelles ont été énumérés comme des sujets prioritaires. La Déclaration de Santiago ne mentionne cependant pas le commerce, laissé aux mains de l’Alliance du Pacifique – regroupant le Chili, la Colombie, le Pérou et le Mexique – et du Mercosur.

Cette nouvelle entité, dont le Chili assurera la première présidence pour une période d’un an, sera “un forum sans idéologie”, selon les mots du président du Chili Sebastián Piñera. Parmi les conditions “essentielles” pour adhérer au Prosur figurent “la pleine validité de la démocratie et des différents ordres constitutionnels, le respect du principe de la séparation des pouvoirs, la promotion, la protection, le respect et la garantie des droits humains et des libertés fondamentales, ainsi que la souveraineté et l’intégrité territoriale des États, conformément au droit international”.

Une organisation vouée à l’échec ?

Pourtant, même si Piñera a assuré que Prosur serait au-dessus des tendances politiques des différents chefs d’État, l’exclusion de fait du Venezuela – le gouvernement de Nicolas Maduro étant considéré comme illégitime par les signataires du Prosur – pose un problème de légitimité. De plus, alors que tous les États d’Amérique du Sud avaient rejoint l’UNASUR, la Bolivie, l’Uruguay et le Suriname n’ont pas signé la déclaration finale. L’opposition chilienne dénonce d’ores et déjà un “forum conservateur”, une réunion de la droite du continent.

Le Prosur, dont les missions et objectifs demeurent flous, rejoint ainsi une douzaine d’initiatives d’intégration américaines, qui forment aujourd’hui un réseau complexe d’objectifs croisés et souvent contradictoires. Ces initiatives se sont souvent révélées infructueuses, en raison d’un manque de leadership des grands pays de la région, du refus des gouvernements de céder leur souveraineté à des organismes internationaux, de divergences politiques et économiques. Toutes ces conditions demeurent et, jusqu’à présent, aucune organisation n’est parvenue à remplir pleinement l’éternel objectif d’intégration de l’Amérique latine. Prosur ne devrait pas faire exception à la règle.

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Solène VIZIER

Solène Vizier est diplômée d’un Master 2 Etudes Stratégiques. Passionnée de géopolitique, ses domaines de spécialisation concernent les mondes hispanophone et russophone, le désarmement nucléaire et la géopolitique du sport. Elle est rédactrice aux Yeux du Monde depuis avril 2019.

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