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Yémen : Une guerre sans fin

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Le Yémen est en proie depuis l’été 2014 à un conflit où se superposent des enjeux religieux, communautaires, et internationaux. Celui-ci oppose les Houthis, communauté chiite de confession zaydite aux forces gouvernementales du Président Hadi reconnu par la communauté internationale. Les premiers sont soutenus par l’Iran, les secondes par une coalition arabe menée par l’Arabie saoudite.

Soldats des forces gouvernementales

Une guerre aux fronts multiples qui s’est enlisée.

Dans la foulée de l’Accord de cessez-le-feu signé à Stockholm en décembre 2018, le Conseil de sécurité a adopté le 17 janvier 2019, la résolution établissant la Mission des Nations Unies en appui à l’Accord sur Hodeïda (MINUAAH). L’objectif est alors la sécurisation du principal port du Yémen par lequel transitent 85 % de l’aide alimentaire et sanitaire et 70 % des importations. Néanmoins, les Houthis ne se sont jamais vraiment retirés d’Hodeïda. Ils ont gardé le contrôle de vastes zones à l’ouest et au nord où se trouve la capitale Sanaa, région la plus peuplée.

Depuis, la guerre s’est enlisée, entrecoupée de plusieurs tentatives de règlement du conflit qui ont échoué. Des sous-guerres ont éclaté et des groupes djihadistes ont profité du chaos pour s’implanter. Selon les Nations-unies, la guerre a fait plus de 100 000 victimes dont 12 000 civils et prêt de 80% de la population a besoin d’aide humanitaire.

Le conflit a pris une nouvelle tournure durant l’été 2019. Les séparatistes du sud regroupés au sein du mouvement STC (Conseil de transition du sud), longtemps alliés du gouvernement, réclament alors l’indépendance du sud Yémen, avec le soutien des Émirats Arabes unis. L’Arabie saoudite œuvre pour le dialogue et permet la signature de l’Accord de Ryad le 5 novembre 2019. Celui-ci prévoit le partage du pouvoir dans le sud et le retour du président en exil mais il tarde à être appliqué. Cette division dans le camp anti-Houthis, qui a conduit notamment au retrait partiel des Émirats arabes unis, a contribué à renforcer la rébellion Houthis.

Des Houthis de mieux en mieux ancrés dans leurs fiefs du nord.

La situation s’est à nouveau fortement dégradée en 2020. Le 20 janvier, des tirs de missiles et de drones Houthis contre un camp militaire gouvernemental entraînent une reprise des combats dans les régions de Sanaa, Marib et Al-Jawf. Le 15 février les forces houthistes abattent un avion de la coalition dans la province d’Al-Jawf. Le 21 février, elles frappent les installations d’Aramco à Yanbu, le terminal pétrolier saoudien sur la mer rouge.

Le 1er mars, les Houthis prennent la ville d’Al-Hazm, chef-lieu de la province d’Al-Jawf. Ils contrôlent désormais une grande partie de cette province et encerclent celle de Marib, riche en pétrole. Cette prise leur permet aussi de sécuriser les voies de ravitaillement entre Sanaa et leur fief de Saada. La perte de contrôle de cette province stratégique du nord constitue un important revers pour le gouvernement yéménite.

Le 9 avril, face au risque de propagation du Covid-19 la coalition arabe annonce un cessez-le-feu unilatéral de deux semaines. Les Houthis rejettent celui-ci le qualifiant de « manœuvre politique et médiatique ». Le 24 avril, la coalition prolonge d’un mois son cessez-le-feu unilatéral. Face à un nombre de morts qui a fait un bond ces derniers jours et à la multiplication des malades, les organisations internationales dont l’OMS, lancent des cris d’alarme sur la propagation de l’épidémie. Les chiffres sont quasi inexistants ou fortement sous-estimés. Alors que le gouvernement a enregistré officiellement 128 cas et 20 morts, les autorités Houthis de Sanaa sont dans un déni total de la maladie.

Des séparatistes qui veulent l’autonomie du sud.

Dans ce contexte de crise, le 26 avril, les forces séparatistes du STC ont proclamé l’autonomie du Yémen du sud. Cette déclaration rend caduc l’Accord de Ryad signé en novembre 2019. Abou Dhabi, soutien du STC, n’a pas formellement reconnu cette autonomie. Cela traduit peut-être sa volonté de ne pas se confronter directement à l’Arabie Saoudite. En réaction, début mai, des milices pro-gouvernementales constituées de partisans du parti islamiste Al-Islah lancent une offensive contre les séparatistes. Leur objectif est de prendre le contrôle de Zinjibar, chef-lieu de la province d’Abyane, à l’est d’Aden.  Cette déclaration d’autonomie constitue une étape supplémentaire dans le délitement politique et institutionnel du Yémen.

Aujourd’hui, le président yéménite Hadi est toujours en exil à Riyad. Le gouvernement yéménite tient politiquement et financièrement grâce à l’Arabie saoudite et pèse militairement peu, comparé aux autres forces en présence. Les acteurs régionaux impliqués dans la guerre au Yémen ont tous leurs intérêts propres et jouent un jeu parfois trouble. Il faudra, pour arriver à une résolution que tous les acteurs prennent part aux négociations. Les Houthis semblent plus forts que jamais face à une coalition et des forces gouvernementales affaiblies. La crise du Covid-19 permettra-t-elle de favoriser la fin du conflit ? Les derniers événements ne vont pas dans ce sens. Le Yémen est aujourd’hui un pays extrêmement divisé.  Même si le conflit venait à prendre fin, il sera sans doute très difficile de retrouver un jour un Yémen unifié.

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Marie-Christine BIDAULT

Marie-Christine Bidault est étudiante en journalisme à l'ESJ Paris. Par ailleurs Analyste en stratégies internationales (IRIS Sup') et Ingénieur en agriculture (ISARA Lyon), elle s'intéresse fortement aux questions de géopolitiques environnementale, agricole et alimentaire, avec un intérêt particulier pour les politiques américaines.

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