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Excision: le danger sous-estimé du Covid-19

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2 millions de femmes supplémentaires potentiellement victimes d’excision en 2020? Une conséquence du Covid-19? Une réalité et un nombre qui s’ajoute aux 200 millions de femmes concernées mondialement.  Mais quel lien y a-t-il entre la pandémie et les mutilations sexuelles féminines? Et quelles en sont les conséquences pour les États?
Excision: le danger sous-estimé du Covid-19
L’excision, traumatisant des générations de femmes sur le long terme, coûte désormais 1,4 milliard de dollars par an aux 27 États les plus touchés.

La crise sanitaire:  un danger supplémentaire

«La lutte contre l’excision est revenue en arrière, les priorités ont changé». Cette phrase, énoncée par Madina Bocoum Daff (coordinatrice du programme de lutte contre l’excision de l’ONG Plan International) résonne doublement dans l’actualité de certaines femmes. Rappelant les conséquences indirectes de l’établissement djihadiste dans le nord du Mali et de l’intervention française en 2013, elle pointait alors le changement de perspectives politiques en temps de crise. Les crises, qu’elles soient sécuritaires ou sanitaires, ont un effet à double hélice: celui de concentrer l’attention sur une géographie particulière, et de diffuser celle précédemment portée à toute autre question. Ces sujets sécurisés, vécus comme une menace imminente, changent les priorités et détournent les regards d’autres dangers, alors perçus comme secondaires. Et le Covid-19 n’en fait pas l’exception.

 Covid-19 et la sécurité des femmes

Ainsi, selon le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), ce sont 2 millions de jeunes filles supplémentaires, au niveau mondial, qui seraient susceptibles d’en être les victimes. Ceci, suite aux conséquences de cette crise sanitaire. En effet, autrement qu’économiques, les divers confinements arborent de nombreuses conséquences. Traditionnellement pratiquées en période de Ramadan, les excisions se voient multipliées par le manque de revenus engendré par l’arrêt des activités. C’est de ce constat que partent les déambulations d’exciseuses, parfois dépourvues de formation médicale, frappant aux diverses portes familiales en quête de gagne-pain. Les fermetures d’écoles, ont, elles, servies d’aubaine pour certaines familles qui y voyait le temps nécessaire à la cicatrisation et au repos des jeunes filles tout juste opérées. Les restrictions de déplacements, sont un nouveau frein à la prévention que souhaite créer certaines associations, sur les dangers des excisions acceptées comme coutumes.

Ces pratiques à fort caractère religieux, dont l’objectif culturel est la préservation de la chasteté des jeunes filles, et ainsi de la réputation de leur famille, traumatisent collectivement des générations et influencent directement des pays entiers. Selon le Violence Policy Center, les traumas collectifs se répercuteraient ainsi sur le niveau d’éducation de la population, accroissant les problèmes médicaux (mentaux et physiques), les taux de violences, de peur et de stress toxique, amenant aux frictions communautaires. Entraînant dans certains cas des complications sanitaires pouvant mener jusqu’à la mort de la patiente, elles complexifient les procédures d’accouchement et le quotidien des femmes.

Malgré sa condamnation: l’excision persiste

Dénoncée en 2008 par l’OMS, en 2010 par une résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies et par de nombreuses organisations internationales, les mutilations sexuelles féminines persistent. Elles tendent ainsi à se propager en période trouble. Elles s’accentuent tout au long de cette pandémie, notamment dans des pays dont elles portent un caractère culturel ancré. C’est en Somalie, par exemple, que l’on en compte le plus grand nombre. Dans ce pays, ce sont près de 98 % des Somaliennes entre 15 et 49 ans qui auraient été victimes d’excision. Traumatisant des générations, ces actes mettent à mal la sécurité des jeunes femmes, voire d’enfants dès leurs cinq ans. Elles peuvent mener à des complications dont le traitement s’élève désormais à 1,4 milliard de dollars par an (dans les 27 pays au plus fort taux d’utilisation). En 2015, elles furent incluses aux Objectifs de Développement Durable pour 2030.

Condamnées internationalement pour leur violation de droits humains et de conventions internationales (tel que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques), elles se poursuivent pourtant dans certains pays les ayant rendues illégales. C’est le cas de l’Égypte, qui les a banni en 2008, puis qualifié de crime en 2016. Un sondage de l’UNICEF (2016), en démontre l’insuffisante application, dévoilant que 87% des Égyptiennes âgées de 15 à 49 ans en ont été les victimes. Ce sont 290 000 jeunes filles, que L’UNFPA estime voir mutilées en Somalie en 2020, s’ajoutant aux 200 millions de femmes concernées au niveau mondial. Ainsi, voit-on les conséquences de la crise poursuivre leur cours, parfois dans l’ombre des projecteurs.

Sources

Alice Broster, Coronavirus Could Have Serious Consequences For Women’s Health, Says The UN, Forbes, 20 avril 2020
Egyptian girls ‘tricked into FGM’ with COVID-19 vaccine, Aljazeera, 5 juin 2020

Caren Grown et Carolina Páramo, Femmes et hommes ne sont pas égaux face au coronavirus, Banque Mondiale, 20 avril 2020
Huge FGM rise recorded in Somalia during coronavirus lockdown, The Guardian, 18 mai 2020
Frida Dahmani, In Tunisia, Women’s Healthcare Is Collateral Damage Of COVID-19, Worldcrunch, 4 juin 2020

Jennifer Rigby, Is the cure worse than the disease? The hidden harms of the Covid-19 lockdowns, The Telegraph, 5 juin 2020
Helen Wylie, Take action to eliminate female genital mutilation by 2030, UNICEF, 5 février 2019

Violence domestique : le chef de l’ONU appelle à un ‘cessez-le-feu’ face à un « déferlement mondial », ONU Info, 5 avril 2020
Katie Polglase, Gianluca Mezzofiore and Max Foster, Why more men seem to be dying from coronavirus than women, CNN, 24 mars 2020

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Gabrielle FRANCK

Gabrielle FRANCK est étudiante de niveau master, poursuivant un double diplôme «International Relations and Politics and Public Administration» dans les universités partenaires Charles (Prague) et Konstanz (Allemagne).

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