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La Centrafrique face à un nouveau bain de sang

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Bangui, la capitale de la Centrafrique est de nouveau plongée dans un cycle de violence avec une attaque armée menée dans le sixième arrondissement de la ville sur l’église de Notre-Dame de Fatima, le mardi 1er mai 2018. Le bilan est lourd : 24 morts – dont le prêtre Albert Toungoumalé-Baba – une centaine de blessés, et un pays qui s’enflamme autour d’un conflit aux arrières goûts religieux.

Milice rebelle en République centrafricaine possédant des armes lourdes.

Un événement catalyseur de violences

Cette attaque sur un des monuments chrétiens les plus emblématiques de la capitale intervient dans un contexte déjà instable. Dans un pays où 80% du territoire est aux mains de bandes armées, tels que la Lord’s Resistance Army ou encore le groupe « Force », la violence et les armes demeurent dans la l’impunité la plus totale. C’est précisément ce dernier groupe armé qui est au cœur de la controverse. En effet, ce groupe d’autodéfense du nom de « Nimery Matar Djamous », communément appelé « Force », est un des principaux groupes armés du PK5, un quartier musulman de la capitale. L’attaque visant l’église de Notre-Dame de Fatima – pendant la messe – aurait été décidée en représailles de l’agression d’un de leurs membres.

Pareil attentat ne manque pas d’être fortement symbolique dans la mesure où l’abbé Toungoumale-Baba, pacificateur dévoué du conflit civil centrafricain, officiait dans l’une des plus importantes églises catholiques de Bangui. En plein conflit interne sur fond de tensions interconfessionnelles entre musulmans et catholiques, cette attaque ne manque pas d’être le catalyseur de vives tensions entre les communautés. Le lendemain de l’attaque, d’importantes manifestations populaires ont eu lieu au sein du quartier de Lakounga et PK0 durant lesquelles deux personnes, présumées musulmanes, furent lynchées et tuées. Comme le craignent la plupart des observateurs internationaux, cette attaque du 1er mai 2018 risque de rallumer la flamme d’une guerre civile et le risque d’un génocide en Centrafrique. Le spectre du conflit interconfessionnel, jusqu’alors représenté par la division entre les seleka musulmans et les anti-balaka chrétiens, fait de nouveau surface dans la fragile société centrafricaine. Depuis deux semaines, le quartier musulman PK5 est dans un véritable état de siège. Les routes sont bloquées et systématiquement filtrées sur des critères purement confessionnels.

L’efficacité controversée de la MINUSCA en Centrafrique

La reprise de la logique de violence intervient dans un contexte tendu pour la MINUSCA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en Centrafrique). Cette opération de maintien de la paix, opérationnelle depuis le 10 avril 2014, implique plus de 12 000 individus, dont 11 200 soldats, sur le territoire. Dans le cadre d’une guerre civile, qui a fait plus de 601 600 déplacés d’après les chiffres de l’ONU, les principaux objectifs de cette mission sont de natures diverses.

  1. Tout d’abord, ils sont militaires, avec la protection des civils et la volonté de dissuader toute action armée de la part de milices civiles (à l’image des combats entre seleka et anti-balaka).
  2. Ensuite, ils sont humanitaires, avec un soutien logistique et matériel aux ONG en place. Ce dernier rôle est d’autant plus important que Najat Rochdi, coordinatrice humanitaire en République centrafricaine, déclarait en août 2017 que ce sont plus de 2,4 millions de Centrafricains (soit 53% de la population nationale) qui seraient en situation de besoin humanitaire.
  3. Enfin, la mission a un objectif politique avec l’accompagnement du processus de stabilisation politique dans un pays qui, avant l’élection de Faustin-Archange Touadera, n’avait plus vu de président élu au scrutin depuis la présidence d’Ange-Félix Patassé de 1993 à 2003.

De beaux objectifs, certes, mais qui sont contrastés par des critiques toujours plus vives de la part des Centrafricains à l’égard de l’efficacité de la mission. En effet, la Minusca doit faire face à un certain nombre d’exactions commises en son sein venant salir son image. En avril dernier, sur fond de soupçons de trafic de munitions, un communiqué de la mission onusienne déclarait qu’un « casque bleu de la Minusca, en tenue civile, a été appréhendé à Bangui par la gendarmerie centrafricaine, en possession de munitions ». Un peu plus tôt, le 10 mars 2018, le Gabon annonçait le retrait des 450 soldats Gabonais de la mission face aux voix grandissantes dénonçant de présumés abus sexuels de la part du contingent gabonais ; retrait qui ne manque pas d’affecter l’effectif de la Minusca déjà en manque d’hommes et de moyens. De fait, au lendemain de l’attentat, ce sont surtout les voix civiles qui se lèvent à l’encontre de la Minusca et de son impuissance à prévenir un tel bain de sang. En effet, l’église de Fatima et son prêtre avaient déjà été victimes d’un attentat de la sorte ayant fait une quinzaine de morts en 2014.

L’histoire recommence et se perpétue. Interrogé par TV5Monde, Constantin Grehoua, neveu du prêtre Toungoumalé-Baba ne manque pas de souligner que « ce n’est pas le premier cas, parce que dans la majeure partie des cas, si on se réfère à ce qui est arrivé à l’abbé Nzalé, à d’autres encore, à chaque fois il n’y a pas de protection. En quelque sorte le citoyen centrafricain est abandonné à lui-même ».

 

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