Proche et Moyen-Orient

Al Qaeda est morte

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Il y a un an mourrait sous les balles américaines Oussama Ben Laden. Les documents saisis dans sa villa pakistanaise, rendus publics au compte goutte par les autorités américaines, révèlent que le leader et co-fondateur d’Al Qaeda peinait à garder le contrôle de son organisation. L’année écoulée nous montre que la création de Ben Laden n’a pu survivre à son créateur.

On ne le dira jamais assez, Al Qaeda n’a jamais été une organisation centralisée, où des antennes locales recevaient directement les ordres de la « direction ». Le groupe fonctionnait plus comme un ensemble de filiales réunies autour d’un corpus idéologique défini par Ben Laden. Il ne s’agissait néanmoins pas de simples « franchises » : la tête d’Al Qaeda fixait bel et bien les orientations que devaient suivre ses antennes locales, et Ben Laden semblait disposer d’un « droit de veto ».

Que reste-t-il de ce système aujourd’hui ? Pas grand-chose. Le successeur officiel de Ben Laden, Al Zawahiri, peu charismatique, semble peiner à contrôler la branche afghano-pakistanaise de l’organisation. Les filiales ont toutes pris leur indépendance, et plus rien ne semble les lier entre elles : ni les méthodes, ni l’origine des membres, ni même les objectifs. Quoi de commun entre AQMI, qui n’est plus qu’une organisation criminelle motivée par le profit et oubliant de plus en plus ses revendications djihadistes, et AQPA (Al Qaeda Péninsule Arabique), qui a adopté au Yémen une stratégie totalement inédite de conquête territoriale et politique ?

Al Qaeda n’existe donc plus en tant qu’organisation : ce n’est aujourd’hui qu’une marque.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce déclin du groupe terroriste. Le premier, c’est bien entendu la guerre menée depuis dix ans par les Etats Unis à Al Qaeda. C’est dans la zone Afpak, berceau et centre névralgique du groupe terroriste, que cette guerre a été la plus terrible, et force est de constater que les coups portés par les américains ont été rudes.

Le deuxième facteur explicatif est plus abstrait. Le but de Ben Laden était, par le terrorisme, de chasser les américains hors du monde arabo-musulmans. A partir de là, tous les gouvernements corrompus et pro-occidentaux tomberaient d’eux-mêmes, laissant la voie libre pour la création d’un nouveau califat. Pour Ben Laden, la première et unique cible était les Etats-Unis. Ses correspondances, retrouvées dans sa villa, montrent qu’il essayait de se battre contre les attaques qui pouvaient entrainer la mort de musulmans innocents. Or, cette conception était bien éloignée des « réalités du terrain ». Pour les filiales « locales », le premier ennemi, c’est la première menace : c’est-à-dire le gouvernement et l’armée locale. La stratégie terroriste amenait donc nécessairement à l’assassinat de musulmans innocents.

En conséquence, Al Qaeda, mouvement globalisé et transnational par définition, n’était pas compatible avec la création de « filiales » locales à l’enracinement régional fort : qui dit enracinement régional dit objectifs régionaux.

Les Etats-Unis ont donc gagné ? Non. Al Qaeda a disparu, mais ses filiales ont énormément gagné en puissance. Le terrorisme n’est pas mort. Il s’est transformé.

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