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Hydrocarbures et terrorisme, un cocktail explosif (1/2).

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Les infrastructures énergétiques sont des cibles de choix pour les terroristes. Placées par endroit en plein cœur de zones grises, occupant de vastes espaces difficiles à sécuriser, elles sont des cibles incarnant, parfois à tort, la spoliation des richesses d’un pays par des firmes étrangères. Les menaces sur ces sites ont des répercussions sur les personnels exposés aux risques, sur les entreprises juridiquement responsables de la protection des salariés – et subissant des coûts économiques en cas d’attaques – et sur les Etats comptant sur des importations à moindres coûts. Le risque terroriste sur les infrastructures (forage, raffinage, traitement, terminaux, stockage) fait l’objet d’un premier article puis, les menaces terroristes sur les couloirs d’approvisionnements énergétiques seront étudiées dans un second article.

Note : les actes criminels, le brigandage et la piraterie ne seront pas abordés ici.

I / Menaces terroristes sur les sites d’exploitation/stockage d’hydrocarbures en on shore.

Dans le cadre du Djihad lancé par les fondateurs d’Al Qaeda (AQ) au début des années 90, le pétrole prend une place clé afin de viser les intérêts occidentaux. Un enregistrement audio de l’ancien émir d’Al Qaeda, Oussama Ben Laden, réalisé le 19 décembre 2004 rapporte:

« En termes de coût économique et humain, cibler les Etats-Unis en Irak est une occasion unique… Une des plus grandes raisons qui pousse notre ennemi à contrôler notre terre est la spoliation de notre pétrole… Soyez actif et empêchez-les d’atteindre le pétrole et montez vos opérations en conséquence, particulièrement en Irak et le Golfe, car ceci est leur destin. »

Puis, dans une vidéo en date du 7 décembre 2005, c’est au tour d’Ayman al-Zawahiri, ancien bras droit d’Oussama Ben Laden et actuel cheikh d’Al Qaeda, de menacer les approvisionnements énergétiques en hydrocarbures à destination de l’Occident:

« J’appelle les Moudjahidines à concentrer leurs attaques sur le pétrole volé aux musulmans dont la majorité des revenus vont aux ennemis de l’Islam. »

Ainsi, dans la ligné de ces déclarations, un commando d’Al Qaeda dans la Péninsule Arabique (AQPA) tenta, le vendredi 25 février 2006, de fomenter un attentat suicide à la raffinerie d’Abqaïq (Arabie Saoudite). Le complexe d’Abqaïq est considéré comme le plus grand du monde fournissant alors 10% de la production mondiale et 70% du pétrole saoudien. L’attaque ne perturba pas la production mais le baril de « light sweet crude » augmenta de 2,37$ à 62,91$ le baril tandis que le baril de Brent prit 2,06$ à 62,60$ le baril. Plus récemment, du 16 au 19 janvier 2013, les Signataires par le sang de Mokhtar Belmokhtar prirent en otage les personnels, en plus particulièrement les occidentaux, du site gazier de Tigentourine à proximité d’In Amenas (Algérie). 37 otages et 29 terroristes y périrent. Cette action visait à réclamer la libération de prisonniers et l’arrêt de l’opération française Serval au Mali. Cette attaque fut, de par son ampleur, les techniques employées par les assaillants et son coût humain, une première. La British Petroleum (BP), Statoil et la CEPSA évacuèrent temporairement des personnels présents en Algérie tandis que l’italienne ENI renonça à l’exploitation d’une concession pétrolière au nord du Mali à cause des risques sécuritaires trop importants. Depuis, le groupe nigérian Boko Haram menaça en février 2014 d’attaquer les raffineries occidentales dans le Delta du Niger.

Un scénario catastrophe serait une attaque, depuis un avion de ligne détourné, sur la raffinerie de Ras Tanura (Arabie Saoudite) qui pourrait réduire de 10% la production pétrolière mondiale et fragiliser l’économie mondiale.

Aujourd’hui, une tendance se dessine ; il apparaît que les sites pétroliers deviennent non plus des cibles d’attaques mais des prises de guerre stratégiques pour les groupes terroristes qui tirent d’importants revenus de la contrebande de pétrole. Ainsi, le 28 juillet 2014, le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies déclarait que « toute transaction pétrolière avec ces entités (Al Qaeda, Al Nusra, l’État Islamique en Irak et au Levant) et autres groupes terroristes est illégale et que les États doivent faire en sorte que leurs ressortissants et les autres personnes ou entités se trouvant sur leur territoire ne se livrent pas au commerce de pétrole avec ces entités ». En effet, en Irak, depuis l’assaut lancé au printemps 2014, l’État Islamique en Irak et au Levant (EIIL) engrangerait près d’un million $/jour (un chiffre pouvant atteindre 4 millions selon les sources) grâce à la contrebande de pétrole originaire de champs et de raffineries capturés. En ajoutant les sites capturés en Syrie, l’EIIL profiterait d’une manne de près de 50 millions de dollars US par mois afin de financer ses activités. Ainsi, l’exemple de l’EIIL montre que les sites on-shore peuvent représenter une source symbolique afin de cibler les intérêts occidentaux mais que le maintien de l’intégrité des infrastructures peut aussi être bénéfique afin de s’adonner à la lucrative contrebande de pétrole.

II / Menaces terroristes sur les sites d’exploitation/stockage d’hydrocarbures en off shore.

Deux attaques terroristes contre des infrastructures off-shore furent recensées pour le moment. Il s’agit d’attaques sur les terminaux pétroliers irakiens de Al Basrah et de Khawr Al Amaya qui furent conduites simultanément le 24 avril 2004. Dans les deux cas, des bateaux suicides furent employés et les attaques furent revendiquées par la branche irakienne d’Al Qaeda. Ces attaques ne causèrent pas de dégâts majeurs mais tuèrent trois employés et stoppèrent les productions durant une journée. Les sites off-shore, pourtant vulnérables, ne semblent pas être des cibles privilégiées par les groupes terroristes, peut être du fait des effets mineurs des attaques lancées en 2004, ou afin de ne pas engendrer une catastrophe écologique qui pèserait sur l’image des groupes terroristes auprès de soutiens dans les populations locales. En se basant sur l’exemple de l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon louée par le groupe British Petroleum (BP), l’équivalent d’environ 5 millions de barils de pétrole s’échappèrent dans le golfe du Mexique, causant une catastrophe naturelle majeure et coûtant la vie d’onze employés dans l’explosion. De plus, outre les amendes records infligées à BP, le titre perdit 35% du 20 avril, jour de l’explosion, au 1er juin 2010. Ainsi, une attaque entrainant une explosion de la sorte aurait des conséquences majeures sur les marchés financiers, sur l’entreprise ciblée et auprès de l’opinion mais pourrait nuire fortement au soutien d’un groupe terroriste auprès de populations locales et serait, de plus, susceptible d’entrainer des ripostes internationales massives.

 

 

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