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Procès d’Hissène Habré : assiste t-on à la naissance d’une justice pénale africaine ?

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Le procès d'Hissène Habré, ancien Président du Tchad, se tient actuellement à Dakar où un verdict sera rendu le 30 mai prochain.
Le procès d’Hissène Habré, ancien Président du Tchad, se tient actuellement à Dakar où un verdict sera rendu le 30 mai prochain.

25 ans. C’est le temps qu’il a fallu à la justice pour faire son œuvre. L’ancien président du Tchad Hissène Habré comparait depuis juillet 2013 pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Si ce n’est pas la première fois qu’un ancien dirigeant africain fait face aux juges pour des faits commis dans le cadre de son mandat, le caractère exceptionnel du tribunal mis en place, jette les cartes d’un nouveau mode de justice en Afrique, à l’heure où le continent s’insurge contre « l’acharnement » de la Cour pénale internationale contre le continent.

L’épreuve nouvelle du jugement d’un dirigeant africain par un pays africain

Président du Tchad entre 1982 et 1990, Hissène Habré aurait été à l’origine de persécutions, de massacres (viols, tortures, enlèvements, etc) ayant fait des milliers de victimes. La Cour pénale internationale, instance entrée en fonction en 2003 et dotée d’une compétence universelle pour juger les personnes physiques (et non les États) ayant commis des violations des droits de l’Homme, s’est déclarée incompétente pour statuer sur les accusations qui portent contre l’ancien chef d’État en raison de la date des faits, antérieure à la création de la juridiction.

Une opportunité pour le continent ? Un an plus tard, en 2012, l’Union africaine, poussée par l’ONU à mettre en place un mécanisme juridique qui permettrait de statuer sur le cas de Hissène Habré, parvient à un accord avec le Sénégal, consacrant la naissance des Chambres extraordinaires africaines, spécialement créées pour l’occasion. Si l’utilisation d’un procédé de justice transnationale  n’est pas une innovation, elle est une réelle avancée quant à la légitimité politique du continent africain à juger ses dirigeants sans intervention extérieure. En effet, alors que des tribunaux spéciaux ont déjà été crées pour statuer sur les violations commises au Rwanda ou encore au Liban ou en Ex-Yougoslavie, ces derniers était le résultat d’une coopération internationale menée sous l’égide de l’ONU.

L’Afrique, victime d’un « acharnement » de la part de la justice internationale ?

Cette innovation juridique tombe à point nommé, à l’heure où l’adhésion de l’Afrique au statut de la Cour pénale internationale semble s’effriter. Cette dernière est en effet accusée d’orienter ses enquêtes et ses mises en accusations vers le continent africain : depuis sa création, seuls 32 hommes, tous issus du continent ont été inquiétés.

Dans le cadre d’une rencontre de l’Union africaine à Addis Abeba les 30 et 31 janvier dernier, de nombreux dirigeants tels qu’Idriss Debby, l’actuel Président du Tchad, se sont à nouveaux insurgés contre la discrimination dont serait victime l’Afrique, accusant parfois même l’institution d’être devenu un outil au service du néocolonialisme. Le Président kényan Uhuru Kenyatta, lui-même mis en cause par Cour a été plus loin, proposant, lors de cette réunion, aux autres dirigeants de l’organisation de préparer un éventuel du désengagement des pays membres de l’Union africaine de l’institution.

Reste à savoir si cette hypothèse fera l’unanimité au sein des 54 États du continent, et surtout, si le cas d’Hissène Habré, pour lequel le Procureur a exigé aujourd’hui la perpétuité, créera un précédent suffisant pour l’émergence d’une véritable justice pénale intra-africaine.

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