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Révision de la Constitution algérienne : l’opportunité (échouée) d’un renouveau démocratique ?

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La troisième révision de la Constitution, adoptée le 7 février dernier, soulève de nombreuses questions au sein de la société algérienne.
La troisième révision de la Constitution, adoptée le 7 février dernier, soulève de nombreuses questions au sein de la société algérienne.

Lancée en 2011, l’initiative d’une révision de la Constitution algérienne a finalement porté ses fruits. Adoptée à une large majorité le 7 février dernier, elle est le résultat d’un tournant politique amorcé à la suite des soubresauts politiques qui ont secoué le monde arabe. Manœuvre politique insuffisante pour certains, réelle avancée démocratique pour d’autres, la 3ème révision du texte constitutionnel, adopté en 1996,  et modifié en 2002 et 2008, visait initialement à contenir l’éventualité d’un scénario similaire aux pays voisins de l’Algérie, tels que la Tunisie, en répondant à une volonté de démocratisation de la société. Qu’en est-il vraiment ?

 Des progrès démocratiques certains

Au cœur de cette initiative, deux mesures phares : la limitation du nombre de mandats présidentiels à 2, et la consécration du tamazight (langue berbère) comme langue officielle. La première fait suite à ce que beaucoup qualifiaient d’abus de pouvoir. Élu en 1999, l’actuel Président algérien, Abdelaziz Bouteflika, avait supprimé cette mesure, qui faisait obstacle à son éventuelle réélection. Il s’agit donc en réalité d’un retour en arrière consenti par le pouvoir et largement attendu par les citoyens.

La suppression du délit de presse est également une avancée pour le respect des droits fondamentaux et la libre information des citoyens, consolidée par l’affirmation d’une philosophie libérale et d’une volonté d’une meilleure égalité des droits. A ainsi été inscrite dans le texte la partie homme/femme dans la fonction publique, et réitéré le principe de séparation des pouvoirs par le biais d’une définition claire des rôles respectifs du Président et du Premier Ministre. Cependant, ces avancées viennent contrebalancer une réalité politique plus complexe, et masquer des mesures qui sont loin de faire l’unanimité.

Une réaffirmation identitaire contestée

La consécration de l’impossibilité pour les binationaux d’accéder à des postes à « hautes responsabilités au sein de l’Etat et aux fonctions politiques » (article 51), fait couler beaucoup d’encre. Cette mesure concernerait notamment entre 4 et 5 millions d’algériens disposant de la nationalité française et marquerait la volonté d’éviter toute influence d’une culture, ou d’une puissance étrangère.

Faisant écho aux problématiques soulevées en France concernant la déchéance de nationalité, les nationaux concernés s’insurgent contre cette interdiction, qui créerait selon eux, deux catégories de citoyens algériens. Elle s’inscrit dans un contexte de repli identitaire, qui concerne désormais de nombreuses régions du monde, occidentales ou non et dans une démarche de réaffirmation de l’indépendance politique du pays. Adoptée avec 499 voix sur 512 au Parlement national, de nombreuses voix s’élèvent pourtant pour dénoncer le manque d’intégration de tout le paysage politique algérien à la conception de cette révision.

Selon Hassan Moali, « chaque Président se taille une Constitution à sa mesure ». Il est possible que le prochain Président, dont l’élection est prévue en 2019 en fasse de même.

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