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Premières élections en Tunisie et déjà le sentiment que d’autres tirent les ficelles dans l’ombre

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Aujourd’hui on vote en Tunisie et les très nombreux partis en lice espèrent tous l’emporter pour pouvoir obtenir une majorité sur les 217 sièges du parlement et marquer de leur empreinte la nouvelle constitution. Mais les moyens mis en place par certains font craindre des opérations de financement douteuses et des tentatives de subordination du pays à des intérêts étrangers.

Pour ce qui est de la mobilisation, l’élection de ce dimanche et la première véritablement démocratique du pays est réussie : plus de 60% des personnes pouvant voter se sont rendus aux urnes selon les organisateurs, soit 7 millions de personnes. Malgré quelques irrégularités comme des pressions sur les analphabètes, les élections se sont globalement bien tenues. Quelques éléments dans la forme sont à revoir comme les bulletins interminables dus au très grand nombre de parti en cours ou encore au non respect par certains partis de l’arrêt de la campagne électorale deux jours avant le scrutin.

Mais un nouveau problème apparaît. Les libéraux, s’attendant à une défaite face aux islamistes du parti Ennahda, accusent ce parti de bénéficier d’argents des monarchies du Golfe, ce à quoi le parti réplique que les libéraux s’appuient certainement sur l’argent des anciennes élites de Ben Ali. Il faut dire que Ennahda, implanté dans tout le pays et notamment dans les zones pauvres peu fréquentées par les politiciens, se pose en favori de cette élection et commence à susciter le doute sur ses comptes. L’argent dépensé par le parti lors de cette élection est bien supérieur à celui des autres : premier parti ayant ouvert des bureaux dans tout le pays, Ennahda a immédiatement inondé la Tunisie de prospectus, T-shirts, sigles et stickers. N’hésitant pas à fréquenter les endroits les plus pauvres du pays, elle y a distribué bien des cadeaux lors de ses conférences et a financé de nombreux repas de rupture du Ramadan.

Alarmée, la commission surveillant la transition politique a songé en juin à imposer des règles limitant les dépenses des partis, interdisant les financements étrangers et les interviews aux médias étrangers (pour éviter que la chaîne du Qatar Al Jazeera ne favorise les candidats d’Ennahda). En réponse, Ennahda a retiré ses représentants du conseil.

Le parti rejette toute accusation de financement étrangers et son fondateur Rachid Ghannouchi les qualifies de « sans fondement ». Le parti peut se permettre ce genre d’écart à la procédure car il est assez populaire dans le pays et tire sa légitimité d’une opposition ancienne au régime de Ben Ali. Mais il n’est pas le seul dans ce cas. Le Parti Démocrate Progressif, principal rival d’Ennahda, a lui aussi arpenté le pays et leurs dirigeants ont publiquement remercié les hommes d’affaires tunisiens qui ont financé leur campagne sans pour autant les nommer.

Si Ennhada sort vainqueur de ce scrutin, le parti devra justifier ses financements mais aussi sa conduite notamment au sujet de la religion. Si jusqu’ici il s’est proclamé « islamiste modéré », son attitude après les violences qui ont suivi la diffusion du film Persepolis a été très ambiguë. Aux tunisiens de rester vigilant quant à ceux qu’ils élisent.

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