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L’Egypte : 60 ans après le coup d’Etat de 1952, l’armée renverse Morsi (1/2)

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Les commentateurs les plus avisés analysent la chute précipitée du président Morsi en Egypte comme l’aboutissement d’un conflit politique opposant trois acteurs : armée, laïcs et islamistes (Frères musulmans et salafistes). Ils n’ont pas tort. A la suite de la révision constitutionnelle du 22 novembre 2012 qui empêchait les tribunaux de critiquer les décisions présidentielles, les opposants libéraux et laïcs, majoritairement urbains, s’unirent pour lutter contre l’omnipotence de Mohamed Morsi. Les manifestations se multiplièrent jusqu’à atteindre leur apogée le lundi 1er juillet. A ce conflit entre laïcs et islamistes s’ajoute une guerre au sommet de la « pyramide » entre armée et pouvoir démocratiquement élu. Après la crise du Sinaï d’août 2012 et l’éviction de leur leader du gouvernement, le maréchal Tantaoui, l’armée perdit le contrôle des leviers de commande de l’Etat égyptien au profit des Frères musulmans. Morsi a parfaitement joué de la dualité d’une armée divisée entre septuagénaires héritiers de l’Ancien Régime de Moubarak et quinquagénaires retirés de la vie politique. Contre l’inéluctable affaiblissement de son pouvoir, l’armée se rebiffa et saisit l’occasion offerte par les libéraux pour reprendre la main. Exit Morsi.

Pourtant, à la crise politique s’ajoute une crise économique majeure : en 2011, les prix augmentèrent de 4,5% alors que le revenu moyen chuta de 11%. Le mirage de la prospérité s’efface et les hôtels de luxe et plages pour touristes contrastent avec les bidonvilles du Caire. La misère des fellahs de la vallée du Nil avive des rancœurs politiques historiques et la fuite des investisseurs égyptiens liés à l’Ancien Régime et des investisseurs étrangers (les IDE ont diminué de 68% sur 2010-2011) accentue une crise déclenchée par l’effondrement du tourisme. Cette chute provoque une pénurie de réserves et met en péril les approvisionnements du premier importateur de blé mondial. Aujourd’hui, l’Egypte survit grâce aux aides qataris (liées aux Frères musulmans donc en danger aujourd’hui) et américaines.

Cette grande dépendance internationale ouvre une troisième brèche : la crise nationale, la plus grave car elle replonge l’Egypte dans sa situation de 1952, année d’un autre coup d’Etat menant au pouvoir… l’armée. Après sa défaite dans le conflit israélo-arabe de 1948 et l’exclusion du Soudan après la manœuvre anglaise du général Robert Howe pour une indépendance précipitée,  une vague nationaliste saisit le pays. Nourri d’une anglophobie prononcée, les manifestations et attentats se multiplient. Le premier ministre Nahas Pacha propose une abrogation du traité anglo-égyptien de 1936 pour le contrôle exclusif du canal de Suez et l’annexion du Soudan derrière le roi Farouk 1er. Le pays exulte. Mais le 26 janvier 1952, plusieurs britanniques sont tués près d’Ismaïlia. Sous la menace d’une intervention britannique, le roi change son fusil d’épaule et vise une réconciliation avec la perfide Albion. Contre cette allégeance au géant européen, le Mouvement des Officiers Libres d’un certain Nasser organise un coup d’Etat le 23 juillet 1952 et dépose le roi. Le plus prestigieux des généraux égyptiens, Naguib, prend le pouvoir mais doit le céder un an plus tard pour sa proximité avec … les Frères musulmans ! Avec Nasser s’ouvre alors l’ère du panarabisme et du nationalisme égyptien.

Suite de l’analyse : https://les-yeux-du-monde.fr/actualite/afrique-moyen-orient/maghreb/14351-l-egypte-soixante-ans-apres-le-coup-d-etat-de-1952-l-armee-renverse-morsi-2

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