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Colombie et FARC : le crépuscule du plus vieux conflit d’Amérique ?

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La signature d’un accord de paix le 24 août 2016 à la Havane entre l’État Colombien et les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie – Armée du Peuple (FARC) est un pas décisif vers l’arrêt définitif du plus vieux conflit armé du continent, bien que plusieurs étapes demeurent à franchir.

Un accord tiré de l’affaiblissement des FARC

Logo des Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia - Ejército del Pueblo (FARC-EP)
Logo des Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia – Ejército del Pueblo (FARC-EP)

Il y a plus d’un demi-siècle débutait en Colombie l’un des conflits les plus meurtriers qu’ait connu le continent américain. Durant les années 1950, une importante violence sociale s’installe dans le pays, en particulier dans les zones rurales, à la suite d’élections qui virent la droite prendre la présidence, deux après l’assassinat du leader de la gauche colombienne – et favori à la présidentielle – Jorge Eliécer Gaitán. Dès 1953, une dictature est mise en place, afin de rétablir l’ordre dans le pays. Toutefois, les combattants des zones rurales refusèrent de déposer les armes, et vont s’organiser afin en guerrillas d’inspiration communiste pour lutter contre le régime. La décision du gouvernement de reprendre par la force en 1964 les territoires non-contrôlés par la République signera le début officiel de la lutte armée entre ces guérillas (qui prendront le nom de FARC en 1966) et l’État Colombien. Au total, la conflit aura fait plus 200.000 victimes et entraîné le déplacement de plus de six millions de personnes : la majeure partie de la population rurale colombienne n’a ainsi jamais connu la paix.

En quelques années, les FARC ont connu un affaiblissement qui a permis la mise en œuvre du processus du paix. Depuis 2010, le président colombien Juan Manuel Santos a entrepris une politique offensive à l’égard des FARC, par des opérations militaires ciblées, le tarissement du financement illégal par la cocaïne et des vagues d’arrestations. En résulte une diminution du nombre de combattants (environ 8.000 aujourd’hui) et des territoires contrôlés par la guérilla. C’est dans ce contexte que des négociations se sont ouvertes en 2012 à Cuba, et qui ont abouti après plusieurs années à l’accord de La Havane. Parmi les points principaux de l’accord, on peut noter en particulier : le développement rural, la participation politique des anciens guerrilleros, le désarmement des combattants ou encore la lutte contre le trafic de drogues.

Malgré l’accord, il reste des étapes jusqu’à la paix définitive

Si la paix est partie pour être ratifiée, des obstacles demeurent jusqu’à la fin officielle de la lutte armée en Colombie. Tout d’abord, l’accord doit être signé le 26 septembre prochain par Juan Manuel Santos et le leader des FARC, Rodrigo Londoño, plus connu dans les médias à travers ses noms de guerre Timochenko ou Tomoleon Jiménez. Par la suite, il sera soumis à un référendum le 2 octobre 2016. Si le OUI est pour le moment largement en tête des intentions de vote, une partie de la droite colombienne dont l’ancien président Álvaro Uribe, fait campagne en faveur du NON, estimant que le gouvernement a trop cédé aux FARC pour obtenir la paix (notamment en accordant une amnistie à la plupart des combattants) et qu’un meilleur accord est possible en raison de la fragilité actuelle de la guérilla. En réponse, le président colombien a défendu l’accord en déclarant « Bien sûr, j’aimerais voir derrière les barreaux tous ceux qui ont commis des crimes atroces, des crimes contre l’humanité, mais préfère une justice transitionnelle afin que nous ne fassions plus de victimes. Pour beaucoup, cette transition n’est pas facile à accepter, mais elle est nécessaire si nous voulons la paix. […] C’est le OUI qui va l’emporter. J’en suis convaincu, et je n’ai pas de plan B. […] C’est une paix imparfaite, mais vaut toujours mieux une paix imparfaite qu’une guerre parfaite ».

Si le référendum donne le OUI vainqueur, la lutte armée ne sera pas pour autant éradiquée en Colombie dans la mesure où l’Armée de Libération Nationale (ELN), la deuxième guérilla du pays bien que bien moins nombreuse que les FARC, n’a pas déposé les armes et ne fait pas partie de l’accord de La Havane. Toutefois, une paix avec les FARC entraînerait probablement un processus similaire avec ELN. Resterait alors le cas des milices paramilitaires d’extrême-droite, bien qu’officiellement démobilisées depuis plusieurs années et qui continuent d’affronter épisodiquement les militants de gauche et le gouvernement. En définitive, malgré le démantèlement des guérillas, les fractures nées du conflit mettront de nombreuses années à être réparées.

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Lucas MAUBERT

Doctorant en Histoire à l'Université de Tarapacá (Chili). Diplômé de l'IEP de Rennes et de l'Université Rennes 2. Rédacteur pour Les Yeux du Monde depuis 2016.

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