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Quel avenir pour le dialogue OTAN-Russie ?

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Pour la troisième fois de l’année, le Conseil OTAN-Russie s’est réuni hier 19 décembre à Bruxelles. Si la fréquence de ces rencontres s’est fortement réduite depuis 2014 du fait des suites du conflit en Ukraine, il n’en reste pas moins primordial que le dialogue soit ouvert à l’heure où de nombreux défis sécuritaires font face à l’Union européenne et à la Russie.

Le Conseil OTAN-Russie, canal diplomatique indispensable

A l’occasion du Sommet de l’OTAN à Prague, qui s’est déroulé en 2002.

A la chute de l’URSS en 1991, la reconnaissance de facto de l’importance stratégique de la Russie s’avère nécessaire du côté de l’Alliance atlantique. En effet, malgré la déliquescence du Pacte de Varsovie, le développement d’une structure permettant d’instituer un dialogue entre Moscou et l’OTAN est plus que nécessaire. C’est ainsi que la Russie adhère successivement à différentes instances de coopérations avec l’OTAN (« Conseil de coopération nord-atlantique »,  « Partenariat pour la paix (PpP) »).

L’acte fondateur OTAN-Russie, qui institue le Conseil conjoint permanent (CCP), est signé en mai 1997. Le Conseil OTAN-Russie est quant à lui créé en 2002 à l’occasion du Sommet de Rome, en remplacement du CCP et il  signe le retour du dialogue après un premier coup d’arrêt en 1999 suite à l’intervention de l’OTAN dans le cadre de la Guerre du Kosovo[1]. Une seconde rupture a lieu en 2014 avec l’éclatement du conflit en Ukraine. L’Alliance atlantique suspend alors le COR suite à l’annexion de la Crimée par la Russie. Il faut attendre le mois d’avril 2016 pour que ressurgisse cet espace de dialogue.

Face aux dissonances stratégiques quant à la situation syrienne, à la lutte contre l’État islamique, ou encore au gel du conflit en Ukraine, il est indispensable que l’OTAN comme la Russie maintiennent ouvert cet espace de dialogue. D’autant que le risque des « fausses perceptions » est croissant en période de tensions. Celles-ci ont été théorisées par le chercheur américain Robert Jervis[2]. Il s’agit d’une approche psychologique en relations internationales qui consiste à dire que le comportement d’un acteur sur la scène internationale peut avoir différentes interprétations aux yeux d’un État tiers en vertu de son propre système de valeurs.

Et celles-ci sont de nature à alimenter les tensions, alors même que l’apaisement s’avère plus que nécessaire dans le contexte actuel. Par exemple, le soutien de l’Alliance aux États baltes et l’ensemble des exercices militaires de l’OTAN en Europe centrale et orientale sont interprétés par la Russie comme un renforcement des forces otaniennes dans des zones proches de sa sphère d’influence. Bien que les activités militaires de l’Alliance atlantique aient lieu dans le cadre d’exercices entre pays alliés, Moscou y voit un déploiement dangereux de forces le long de sa frontière occidentale. Inversement, la politique de réarmement de la Russie inquiète de nombreux États, notamment les États de « l’étranger proche » de la Russie, espace d’influence historique, économique et stratégique de Moscou. Il est donc indispensable de préserver des canaux de communication ouverts.

Les possibles voies d’une coopération contre les défis sécuritaires de notre temps

L’environnement sécuritaire a énormément évolué ces vingt dernières années, redéfinissant le cadre géopolitique dans lequel l’OTAN subsiste. Cette transformation est le fruit de l’apparition de nouveaux défis sécuritaires et de nouvelles menaces dites non conventionnelles, c’est-à-dire non étatiques.

Toutes ces difficultés ont donc un impact sur la politique de l’OTAN en matière de sécurité et de défense des Alliés, ce qui amène l’organisation à redéfinir les menaces prioritaires contre lesquelles lutter. C’est à ce titre que l’existence du Conseil OTAN-Russie peut offrir un espace de dialogue entre les différentes puissances, à travers la définition d’enjeux communs. Le Conseil qui s’est tenu entre les 28 États membres et la Russie le 19 décembre dernier s’est ainsi penché sur la situation en Ukraine et la nécessité de respecter les Accords de Minsk, mais aussi sur le soutien à apporter au gouvernement afghan afin de stabiliser le pays. Enfin, des discussions ont eu lieu quant aux différents exercices militaires menés par l’OTAN en Europe centrale et orientale, à l’heure où l’Alliance s’inquiète de l’installation de matériels militaires russes dans l’enclave de Kaliningrad.

Une « bonne ouverture » des relations doit passer par une expertise des menaces communes aux deux puissances pour parvenir à la définition d’un axe stratégique commun. Du terrorisme à la menace nucléaire non-conventionnelle, du réchauffement climatique à la sécurité énergétique, ou encore des crises dans les zones où l’influence russe est considérable, nombreux sont les points de départs qui mériteraient une expertise approfondie afin d’identifier des menaces communes.

La crédibilité future de l’Alliance tient à sa capacité à définir dès à présent les menaces qui pèsent sur ces États membres et à mettre en œuvre les mesures nécessaires à la protection des Alliés. D’autant que le nouveau Président américain Donald Trump exige de chacun des Etats membres de l’Alliance atlantique un investissement plus important en matière de défense et de sécurité. Celle-là même qui se joue aussi par le maintien de canaux diplomatiques avec la Russie.

[1] La Russie n’avait alors pas soutenu ni reconnu cette intervention. Celle-ci prête d’ailleurs à débat puisque l’Alliance a bombardé la capitale serbe pendant 78 jours entre mars et juin 1999, hors cadre onusien. En effet, aucune résolution n’avait été prise par le Conseil de sécurité.

[2] JERVIS, Robert, « Perception and Misperception in International Politics », Princeton, 1976

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