Géoéconomie

Malgré les discours optimistes, la crise va durer

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Les dirigeants économiques ont une manie insane de manier les chiffres aux fins de redorer leur blason. A les croire, 2013 sera la dernière année difficile d’une crise interminable, dernière étape de notre odyssée punitive pour avoir cru au capitalisme, à l’endettement, à la croissance indéfinie fondée sur le progrès. Troubadours des bonnes nouvelles ou bouffons costumés pour faire diversion ? Le récent rapport semestriel du FMI apporte des éléments de réponse.

Aujourd’hui, la croissance du PIB mondial, la production industrielle mondiale et le commerce mondial ralentissent. Les situations nationales divergent mais la tendance de fond globale demeure : non seulement les pays de l’OCDE sont tous concernés mais aussi les pays émergents. La décélération de leur croissance affaiblit les échanges commerciaux ce qui contracte le commerce mondial et amenuise d’autant plus leur croissance propre. Quelles sont les tumeurs endémiques de chacun des acteurs ?

Dans les pays de l’OCDE, la crise a révélé un surendettement des entreprises privées et des ménages. Associée à la hausse des prix de l’immobilier, la hausse de l’endettement privé ne résista pas à l’explosion de la bulle. Depuis 2008, les acteurs privés se désendettent et réduisent leur consommation. A tel point qu’en 2009, au seuil critique, les Etats prirent le relai : aujourd’hui, eux aussi doivent faire face aux contraintes budgétaires. Partout, les plans d’austérité pullulent, révélés aux USA, en Europe par les plans de réduction des dépenses et au Japon par la hausse de la TVA. Le ressort de la croissance de ce que l’on appelait avant crise « les pays riches », l’endettement, est brisé. Avant de le remplacer, il faut ôter les derniers résidus métalliques du moteur, c’est-à-dire achever la cure de désendettement. Et cela prendra assurément plus de 3 ans.

Dans les pays émergents, poumon industriel du monde, la production s’effondre. Certes, les commandes occidentales sont moins nombreuses. Certes les causes restent principalement inhérentes à des systèmes nationaux fragiles : surévaluation du change au Brésil, insuffisance des infrastructures en Inde, instabilité intérieure en Chine. Toutefois, dans chacun de ces pays, il existe des tensions sur le marché du travail. En Chine et au Brésil, les salaires ont brutalement augmenté entre 2008 et 2011 parallèlement à la baisse du carnet de commandes et la hausse des taux de change (donc la baisse de compétitivité des exportations) : ne pouvant plus jouer sur le volume à l’exportation, les groupes industriels bas de gamme ont vu reculer leur rentabilité. Songeons que le coût salarial unitaire au Brésil est aujourd’hui supérieur à celui des Etats-Unis ! Ainsi, les usines se délocalisent (au Viêt-Nam, en Chine intérieure, en Malaisie) et les gouvernements intérieurs changent de modèle : ils favorisent la consommation intérieure et la formation de leurs ouvriers pour monter en gamme. Et comme tout changement de modèle, cela prendra du temps.

Les pôles économiques mondiaux cherchent de nouveaux modèles. Rien ne sera réglé sous deux ou trois ans. En économie ouverte, il ne faut jamais céder aux chants des Cassandre. Encore moins aux chants des sirènes.

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