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« Minerais de sang »: des matières premières au coeur des conflits?

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Les minerais de conflits font l'objet d'un processus d'encadrement récent, à l'impact nuancé.
Les minerais de conflits font l’objet d’un processus d’encadrement récent, à l’impact nuancé.

On les appelle minerais de sang ou encore diamants de conflits. Certaines matières premières, que l’Occident consomme quotidiennement, sont au cœur de rivalités politiques dans certains pays. Leur supposée instrumentalisation par des groupes rebelles, a notamment été mise en lumière dans le cadre du conflit en Sierra Léone en entre 1991 et 1999, provoquant ainsi l’émoi de la communauté internationale.

Un encadrement légal récent

Dénoncée dans le cadre des conflits en Sierra Léone, au Libéria, en Colombie ou encore en Côte d’Ivoire, leur appropriation illégale par des organisations rebelles, permettrait l’achat de matériel de guerre, et encouragerait le trafic et les violences interethniques. Le coltan, la cassitérite, le tungstène et l’or en sont les principales illustrations.

A l’orée d’une prise de conscience mondiale, la communauté internationale s’est finalement décidée à agir en 2000, par la mise en place du processus de Kimberley relatif aux diamants, dans lequel 81 pays sont engagés, autour d’un Conseil mondial. Cette initiative a permis l’adoption  d’un système de certification qui conditionne l’arrivée des pierres précieuses sur le marché légal à la preuve par le pays exportateur que « la vente de diamants bruts ne sert pas à financer un conflit armé ». Grâce à cet instrument et selon les spécialistes du secteur, « la part des diamants des conflits dans le commerce international est actuellement réduite à moins d’1%, alors qu’elle s’élevait à 15 % dans les années 90 ».

Une régulation complexe, fruit du processus de mondialisation

Cependant, le consensus sur l’impact négatif de ces minerais sur les violences intra-étatiques s’effrite. Une lettre ouverte publiée récemment par environ 60 acteurs de République démocratique du Congo (chercheurs, membre de la société civile, entreprises) a cherché à nuancer cet état de fait, remettant en cause leur rôle dans les tensions qui secouent la région, soulignant ainsi que selon l’ONU, seulement 8% des conflits dans le pays seraient le fruit de ces matières. Cette thèse vient contrecarrer celle d’autres acteurs, tels qu’Amnesty international. D’après les estimations de l’ONG 3,7 millions de personnes seraient mortes en Angola, en RDC, au Libéria et en Sierra Leone dans des conflits financés par les diamants.

Si des progrès ont été réalisés, certains pays, comme la RDC, restent en effet dans le viseur du Conseil mondial du diamant. La difficile traçabilité des matières premières dans certains de ces Etats fragiles sur un plan juridique et politique, ainsi que l’étanchéité des frontières laissent planer le doute sur une réduction drastique du trafic. Alors que les Etats-Unis ont mis en place une réglementation en la matière en juillet 2010, la loi Dodd Franck, dont la section 1502 contraint les entreprises à établir leur chaine d’approvisionnement, l’Union européenne a lancé en mars dernier un projet de texte débattu le 5 et 6 novembre. Il vise à établir un processus de certification volontaire de quatre minerais: l’étain, l’or, le tantale et le tungstène, utilisés dans la joaillerie, l’aéronautique ou encore la téléphonie.

Reste à savoir si la logique juridique l’emportera sur les difficultés économiques qu’elle soulève. En effet, cette réglementation a une conséquence inévitable: la réduction des importations de minerais en provenance de ces régions déjà défavorisées économiquement.

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