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Quel avenir pour l’alliance entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite ?

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L’alliance politico-stratégique entre l’Arabie saoudite et les États-Unis est au cœur du jeu géopolitique moyen-oriental, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. On peut même considérer, encore à l’heure actuelle, que c’est une des alliances les plus puissantes de la région. Pour autant, au cours des dernières décennies, elle a dû faire face à plusieurs crises de légitimité qui ont durablement ébranlé les bases sur lesquelles elle a été construite.

Mohammed bin Salam en manoeuvre sur un navire américain

La puissance stratégique d’un pacte économique et militaire

La relation entre la démocratie américaine et le royaume wahhabite est née du pacte de Quincy, signé entre le roi Ibn Saoud et le président Franklin Delano Roosvelt en 1945. Ce dernier prévoit qu’en échange de relations économiques privilégiés et d’un accès aux hydrocarbures saoudiens, les États-Unis s’engagent à protéger militairement la monarchie pétrolière. A partir de ce moment, les deux pays ont noué le partenariat le plus puissant de la région. Par son biais, l’Arabie saoudite s’est imposée comme une puissance régionale incontournable et a réaffirmé sa place sur la scène internationale.

Alors que 30% de la production mondiale du pétrole est produite dans le Golfe persique, dont un tiers par les saoudiens, les États-Unis ont ainsi pu s’assurer un contrôle stratégique des flux et sécuriser leurs importations. En contrepartie, la protection américaine réduit la vulnérabilité du royaume pétrolier face à ses voisins. Les nombreux accords économiques et les transferts de technologies ont aussi permis au pays de se développer considérablement. Ce sont sur des intérêts communs que repose principalement le pacte mais ces derniers ne sont pas infaillibles.

Le début du XXIème siècle a marqué la première rupture entre les américains et les saoudiens, avec les attentats du 11 septembre 2001. Ces évènements ont mis en lumière les relations troubles que pouvaient entretenir certains notables saoudiens avec des islamistes radicaux. Certains pouvaient être directement affiliés à Al-Qaida. D’ailleurs, sur 19 pirates de l’air, 14 étaient d’origine saoudienne. Pour pouvoir l’expliquer, il est nécessaire de rappeler que l’Arabie saoudite a été fondée sur l’application de la doctrine wahhabite, qui prône un islam rigoriste et l’application de la Charia. Il existe donc des similarités avec l’idéologie djihadiste qui ont favorisé son développement dans la Péninsule Arabique. Les Etats-Unis ont pris conscience à cette époque que l’exportation du wahhabisme, mis en place depuis les années 1970 par la famille Saoud, pourrait représenter un danger.

Néanmoins, cette crise n’a pas brisé la relation entre les deux alliés. Elle a même contribué à forger l’engagement des saoudiens dans la lutte contre le terrorisme, tant sur le plan sécuritaire qu’idéologique. Ostraciser le pays n’aurait pas été une solution efficace, chacun ayant besoin de l’autre pour lutter efficacement contre cette menace.

Une relation désormais marquée par le désengagement américain

L’arrivée au pouvoir du président Obama, en 2008, a marqué un tournant dans la politique extérieure menée au Moyen Orient. En effet, après le désastre de la guerre irakienne et ses conséquences dramatiques, le gouvernement démocrate a décidé d’éviter, le plus possible, de s’impliquer politiquement et militairement dans les conflits au Moyen Orient, et cela, au détriment de la position de son allié.

Après des décennies d’application d’une « diplomatie du chéquier », la stratégie diplomatique saoudienne a elle changé de cap en 2015, lorsqu’ils décidèrent d’intervenir militairement au Yémen. En ne soutenant pas clairement l’Arabie saoudite, le roi a considéré qu’Obama avait trahi le pacte de Quincy. Washington a préféré rester en retrait, n’ayant que très peu d’intérêts à défendre au Yémen et ne souhaitant pas s’associer directement aux conséquences humanitaires. Seul un soutien logistique et technique réduit leur est apporté.

Par ailleurs, le rapprochement initié avec l’Iran, débouchant sur la signature de l’accord sur le nucléaire, a été vécu comme un deuxième coup de poignard pour la famille royale. L’expansionnisme iranien est considéré comme la première menace à la stabilité du royaume. Le roi Salam a toujours pensé, dans ce sens, qu’il était de la responsabilité des américains d’essayer de l’endiguer.

L’arrivée au pouvoir de Donald Trump en 2017 a permis de redistribuer les cartes. Ce dernier a replacé la lutte contre l’influence iranienne au cœur de ses priorités sécuritaires, au plus grand plaisir de la monarchie. En se retirant de l’accord et en imposant de nouvelles sanctions, le président a donné de nouveaux gages de confiance à son allié.  Pour autant, l’équilibre entre les deux pays reste durablement fragilisé. L’absence de valeurs communes pèse de plus en plus dans leur relation. Leur lien repose désormais principalement sur les centaines de milliards de dollars de contrats d’armement qui ont été signés.

Du reste, Donald Trump ne prévoit pas de renforcer sa présence militaire sur le terrain, bien au contraire. Le soutien qu’il a réitéré au prince héritier Mohammed bin Salam, malgré le retentissement de l’affaire Khashoggi, lui a valu un véritable camouflet politique dans son propre camp. De plus, la pression politique américaine contre la participation de Washington, directe ou indirecte, dans le conflit yéménite, est aussi de plus en plus forte. Cette position est donc difficilement tenable sur le long terme et des décisions devront être prises.

Néanmoins, le partenariat qui existe entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite continuera encore longtemps d’exister mais son modèle devra, à terme, être fondamentalement révisé. Un tel niveau d’interdépendance économique et politique, n’est plus viable pour l’un comme pour l’autre.

Le royaume wahhabite cherche déjà à forger de nouvelles alliances, même si elles ne remplaceront jamais la place américaine. Le prince hériter a su impulser une nouvelle politique nécessaire pour le pays mais elle n’en est pas pour autant progressiste. Au-delà de la monarchie pétrolière, c’est la stabilité de toute la région qui est en jeu.

Sources :

https://www.lesclesdumoyenorient.com/L-Arabie-saoudite-et-les-Etats-Unis-une-relation-sur-le-declin-Premiere-partie.html

https://www.lesclesdumoyenorient.com/L-Arabie-saoudite-et-les-Etats-Unis-une-relation-sur-le-declin-Deuxieme-Partie.html

Jacques-Jocelyn Paul, « Arabie saoudite, l’incontournable », 18 janvier 2016, éditions Riveneuves

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Eva Martinelli

Diplômée d’un Master 2 en Relations internationales spécialité sécurité et défense de l’Université de Grenoble et l’ILERI, Eva s’est spécialisée sur l’étude des problématiques géopolitiques de la Péninsule Arabique, et plus particulièrement sur les enjeux du conflit Yéménite.

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