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Les élections législatives pakistanaises : une formalité pour la Chine.

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Le scrutin des élections législatives pakistanaises a lieu ce 25 juillet 2018. Le parti au pouvoir (La ligue musulmane (Nawaz)) est secoué par les scandales et la disqualification du Premier ministre issu de ses rangs, Nawaz Sharif, mis en cause par la justice. En contrepoint, un nouveau parti hors-les-lignes, le Pakistan Tehreek-e-Insaf, mené par le sulfureux Imran Khan, connaît une poussée fulgurante. Une campagne électorale inhabituelle, jalonnée d’attentats et de manigances politiciennes, qui ne semble pourtant pas inquiéter Pékin.

Inauguration du CPEC en présence de Xi Jinping et de Nawaz Sharif, 2015.
Inauguration du CPEC en présence de Xi Jinping et de Nawaz Sharif, 2015.

L’exercice par la Chine de son influence dans les pays où elle défend des intérêts, en particulier ceux liés à son projet de nouvelles routes de la Soie, n’est un secret pour personne. Dans ce cadre, les élections peuvent former un moment trop décisif pour faire l’économie d’une ingérence. L’exemple le plus récent remonte à 2015, au Sri Lanka : l’ambassadeur chinois en personne était alors sorti du silence de rigueur pour financer son candidat favori à hauteur de 7.6 millions de dollars, afin d’éviter l’arrivée au pouvoir d’une opposition jugée trop critique envers les accords commerciaux sino-sri-lankais.

Le Corridor Economique Chine-Pakistan (CPEC) constitue une composante incontournable de l’élection législative pakistanaise

Lancé en 2013, le CEPC représente 54 milliards de dollars d’investissement et vise à relier la Chine au port en eaux profondes de Gwadar, permettant ainsi aux navires de commerce chinois d’éviter le périlleux détroit de Malacca. Pour un Pakistan exsangue, ce projet a été perçu comme une bouffée d’oxygène économique, largement plébiscité par la population qui espère que le corridor contribue à résoudre deux problèmes nationaux : le chômage et les pénuries d’énergie. Souvent présenté comme une panacée, il comporte selon de nombreux observateurs pakistanais, les prémices d’un néo-colonialisme: arrivée en masse des entreprises chinoises, mise en place de réseaux de caméras de sécurité gérés par Pékin, l’ouverture du pays aux compagnies de sécurité privée, gonflement de la dette pakistanaise envers la Chine. Une suspicion qui ne semble pas déranger les têtes de listes de ces élections législatives de 2018. Les discours de campagne ne décrivent le CPEC qu’en termes dithyrambiques. Ces dernières semaines, parti sortant comme opposition (le Pakistan Tehreek-e-Insaf et le parti centre-gauche Pakistan People’s Party) ont rivalisé d’ingéniosité pour s’attribuer le mérite des succès du projet.

La Chine est devenue incontournable dans la région et sait qu’aucun parti ne peut plus entraver ses projets au Pakistan.

Le premier ministre Nawaz Sharif inaugure en 2016 le CPEC à Gwadar.
Le premier ministre Nawaz Sharif inaugure en 2016 le CPEC à Gwadar.

Quelle que soit l’opinion des candidats vis-à-vis du CPEC, Pékin s’est rendu si indispensable qu’aucune critique se semble plus possible. L’armée, dotée d’une grande force d’influence politique dans le pays, se fournit à bon prix sur l’étagère chinoise et compte sur le soutien de son allié dans ses litiges territoriaux avec l’Inde. Les récents heurts diplomatiques entre le Pakistan et les Etats-Unis ont accéléré ce mouvement de dépendance envers la Chine. Par ailleurs, le projet des nouvelles routes de la soie, et en particulier le CPEC, suscitent dans la population un enthousiasme qui se traduit notamment par le succès grandissant de l’apprentissage du mandarin parmi les étudiants pakistanais et l’augmentation du nombre des échanges universitaires. Enfin, le surendettement du pays restreint ses possibilités de remise en question, voire même de négociation de l’initiative chinoise.

A cet égard, l’absence de prise de position de la part du parti local baloutche, le Balochistan Awami Party (BAP), est édifiant. Les populations baloutches, marginalisées au Pakistan et dont le territoire accueille le CPEC sans qu’ils profitent des opportunités qui lui sont liées ont déjà fait savoir à de maintes reprises leurs ressentiments envers cette intrusion étrangère. Les ingénieurs et ouvriers chinois ont essuyés en 2004 et 2015 des attaques revendiquées par des groupes indépendantistes baloutches… Pourtant, en campagne, le BAP n’a pas exprimé autre chose que le souhait d’être consulté par Islamabad vis-à-vis du corridor pour obtenir quelques menus avantages. La mise en place du CEPC est devenue une réalité inexorable pour tous.

Sûre de sa position à l’égard du Pakistan, la Chine ne s’y inquiète plus rebondissements électoraux, pas plus qu’elle ne s’en inquiète dans les 7 autres pays traversés par les nouvelles routes de la soie en situation de surendettement : Djibouti, Maldives, Laos, Mongolie, Monténégro, Tadjikistan et Kirghizistan. Le long de ces tracés, les investissements chinois finissent tôt ou tard par oblitérer l’aléa démocratique qui irrite tant les projets internationaux du gouvernement de Pékin.

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