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Le retour de l’opposition politique dans un Cambodge fragile

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L’opposant politique Sam Rainsy a récemment annoncé son souhait de rentrer au Cambodge. Pendant ce temps, la liberté conditionnelle de Kem Sokha, président du parti d’opposition dissous (PSNC), a été assouplie. Le premier ministre Hun Sen a quant-à-lui annoncé la libération sous caution de 70 militants d’opposition. Accusés d’avoir fomenté un coup d’Etat, le gouvernement avait procédé à leurs arrestations ces dernières semaines. Le spectre de l’opposition et des sanctions plane sur le pouvoir qui cherche des solutions pour ne pas mettre le feu aux poudres. 

Sam Rainsy, figure de l'opposition, en 2013 lors d'une manifestation à Phnom Penh contestant la régularité des élections
La figure de l’opposition cambodgienne, Sam Rainsy

Un retour après 4 ans d’exil en France

Sam Rainsy représente aujourd’hui un facteur coagulant de toutes les protestations présentes au Cambodge. Opposant historique au gouvernement, il est le fondateur et co-Président démissionnaire du Parti du salut national du Cambodge (PSNC), unique parti d’opposition représenté à l’Assemblée nationale depuis les élections législatives de 2013. Il avait auparavant proposé en 2012 à Kem Sokha, fondateur du nouveau Parti des Droits de l’Homme, de fusionner avec son propre parti. Le nouveau parti d’opposition a cependant été dissous en 2017 par la Cour suprême du Cambodge. Sam Rainsy était en exil volontaire depuis 2015 pour éviter l’incarcération et l’acharnement judiciaire du régime.

Malgré le risque avéré d’arrestation et la mobilisation de l’armée pour empêcher son retour, Sam Rainsy avait annoncé son retour pour le 9 novembre. La date était symbolique. L’opposant avait ainsi choisi de revenir le jour de la fête de l’indépendance du royaume et jour anniversaire de la chute du mur de Berlin en 1989. Rainsy échouera finalement à revenir au Cambodge à la date annoncée. La Thai Airways a en effet refusé d’embarquer l’opposant le 7 novembre au départ de Paris. Raisny atterrira finalement en Malaisie le 11 novembre. Avant son annonce, le gouvernement avait bloqué certains retours de membres de l’opposition. Mu Sochua, figure féministe de l’opposition et vice-présidente du PSNC, a ainsi été arrêtée en Malaisie alors qu’elle tentait de revenir dans son pays.

Hun Sen lors de la session "L'agenda de l'ASEAN" au Centre de Congrès lors de la réunion annuelle du Forum économique mondial à Davos, le 23 janvier 2015. Il participe à réprimer l'opposition au Cambodge.
Le premier ministre Hun Sen

Un pouvoir qui lâche du lest face à une opposition pacifique

Le solide premier ministre cambodgien Hun Sen, tient les rênes du gouvernement depuis 1985. Il est accusé par divers gouvernements et ONG d’avoir instauré un régime autoritaire et corrompu très centralisé. L’annonce du retour de Sam Rainsy a conduit les autorités cambodgiennes à arrêter préventivement plusieurs dizaines de personnes depuis le mois d’août.

Jeudi 14 novembre, il a néanmoins demandé la libération sous caution de plus de 70 militants d’opposition. L’on peut voir en ce geste un signe clair de volonté d’apaisement afin d’éviter toute contestation civile. De plus, Kem Sokha (président du PSNC), qui jusqu’alors était assigné à résidence, vient de voir sa peine assouplie. En effet, une décision de la Cour municipale de Phnom Penh l’autorise à se déplacer librement, à condition de ne pas franchir la frontière.

Le spectre de sanctions économiques

Dans le même temps, le Cambodge est menacé de sanctions économiques par l’Union Européenne. Précisément, il s’agit d’une possibilité de suspension de l’accord «Tout sauf les armes» (TSA) qui a pour objectif de supprimer les barrières douanières de l’Union Européenne vis-à-vis des biens produits dans les pays les moins avancés (excepté les armes). Cette initiative de l’Union Européenne est notamment déterminée par le respect des droits humains. En raison de la récente dissolution du PSNC et des arrestations préventives, l’Union Europénne a alors demandé une réaction du gouvernement cambodgien.

Les exportations sont aujourd’hui essentielles car le pays est l’un des « ateliers du monde ». En effet, 45 % des exportations de textiles ont pour destination l’Europe. Ce secteur représente d’ailleurs les trois quarts des exportations cambodgiennes. La Banque mondiale a récemment estimé à 590 millions d’euros le coût d’une suspension de l’accord TSA. L’on peut donc comprendre pourquoi le gouvernement lâche du lest vis à vis de l’opposition.

Malgré l’ouverture relative du gouvernement, Hun Sen a tout de même annoncé que Kem Sokha serait jugé pour trahison devant la justice. Les rumeurs de grâce présidentielle ne sont donc pas la priorité du gouvernement qui continue de museler l’opposition.

Sources

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Pierre Lacroix

Pierre Lacroix est diplômé d'une Licence de Géographie (Université de Nantes), d'un Master de Relations Internationales, Intelligence Stratégique et Risques Internationaux (Lyon III), puis d'un Master Coopération Internationale et ONG (Paris XIII). Il est rédacteur depuis Mars 2019.

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