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Hong Kong, le test de Pékin

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Depuis maintenant sept mois, Hong Kong connait d’intenses manifestations et soulèvements populaires. S’il ne s’agit pas de la première crise que connait la cité, la situation actuelle perdure et se radicalise dangereusement pour Pékin. Sa résolution, ou non, est un test pour la République Populaire de Chine (RPC).

Affrontements entre policiers et manifestants à Hong Kong
Les affrontements entre manifestants et policiers sont de plus en plus violents à Hong Kong et testent la patience Chinoise.

La radicalisation du mouvement

Le mouvement de protestation actuel est issu du refus par la population d’un projet de loi permettant l’extradition de certains condamnés vers la République Populaire de Chine. Cette mesure a notamment pour conséquence une extension de la puissance du parti communiste chinois sur l’ancienne colonie britannique.

Face à l’intransigeance de Carrie Lam, chef de l’exécutif Hongkongais, les manifestations ont muté. Ayant rassemblé jusqu’à 2 millions de personnes (sur 7 millions d’habitants), ces dernières sont devenues moins massives, mais plus violentes. Elles sont menées par les « Frontliners » adoptant la méthode « blossom everywhere« . Des militants radicaux opèrent ainsi de manière horizontale en petits groupes en divers lieux de la ville. Alors que la première partie de la crise se caractérisait par un dialogue de sourds entre le gouvernement pro-Pékin et sa population, cette seconde étape est un affrontement de plus en plus violent entre militants et policiers, voire envers des habitants pro-chinois.

Cette radicalisation de part et d’autre augmente le coût des concessions potentielles. Impossible pour les Frontliners de reculer, au risque de subir une violente répression judiciaire, comme l’ont expliqué des avocats aux manifestants retranchés et assiégés dans l’école polytechnique. Impossible pour Pékin, qui a déjà accepté l’annulation de la loi sur l’extradition, de laisser penser qu’un mouvement social peut remettre en cause son autorité. Enfin, impossible pour Xi Jingping d’être celui qui a cédé, alors qu’il n’a cessé d’asseoir son pouvoir ces dernières années. Cette situation de « too big to fail » rend la crise particulièrement instable.

Alibaba, une victoire, mais pour qui ?

Le 22 août, le géant de la vente en ligne Alibaba, avait reporté son introduction à la bourse d’Hong Kong (3e place mondiale). Trois mois plus tard, le 26 novembre, Alibaba entre finalement à la bourse d’Hong Kong pour la plus grosse opération financière depuis 2010.

Alors que la ville est entrée en récession, et ne pèse plus que 3% du PIB Chinois (contre 18,5% en 1997), une telle introduction en bourse pourrait apparaître comme un signe de puissance et donc d’indépendance. D’autant plus que la RPC privilégie depuis plusieurs années la ville voisine de Shenzhen, qui a dépassé le poids économique d’Hong Kong en mars. Pour autant, l’arrivée du champion Chinois peut être un cheval de Troie. En effet, Pékin pourrait investir massivement la place financière Hongkongaise afin de réduire son indépendance financière, et donc faire pression sur la cité.

La sortie de crise hors de portée de Carrie Lam

Jusqu’ici, la Chine a tenté la stratégie du pourrissement. Pourtant, au lieu de s’affaiblir et se discréditer, le mouvement a gagné en revendication et en violence. Il a de plus gardé un fort soutien populaire. Si aucun des deux camps ne cède, la crise ne se terminera qu’avec la défaite de l’un d’eux. L’exécutif Hongkongais pourrait donc servir en théorie d’intermédiaire.

Cependant, le gouvernement local, pris entre le marteau et l’enclume, n’a plus d’impact. En témoigne l’interdiction du port de masques, qui n’est pas respectée. De plus, Xi Jingping maintient son soutien à Carrie Lam, qui est pourtant totalement discréditée auprès de sa population. Enfin, Joshua Wong, leader du camp pro-démocratie, a été interdit de se présenter aux élections. Malgré son absence, ces élections ont néanmoins  largement bénéficié aux démocrates.

Une impasse synonyme de violence accrue

Si la tendance actuelle se prolonge, la violence risque de s’accroître et finalement obliger la RPC à intervenir directement. Pékin se refuse pourtant à cette option, de peur des condamnations de la communauté internationale ainsi que de la fuite des capitaux étrangers. Ces condamnations prennent d’autant plus d’ampleur dans le contexte de guerre commerciale avec les Etats-Unis. Donald Trump a ainsi promulgué une loi qui permettra d’annuler le statut spécial d’Hong Kong si les droits des manifestants sont bafoués. Une intervention militaire d’un pays tiers semble cependant impossible, aucun pays n’ayant d’intérêts assez vitaux sur place pour risquer une guerre avec une puissance nucléaire.

Autre élément important, seuls 11% des habitants se sentent Chinois, soit moins que lors de la rétrocession. La Chine ne peut donc pas compter sur une convergence avec Hong Kong. C’est l’échec du fameux « un pays deux systèmes« . Cela oblige le parti communiste chinois à trouver un autre biais pour faire entrer dans son orbite des pays comme Taïwan. Hong Kong est en cela un véritable test, pour la crédibilité du régime Chinois comme pour sa stratégie régionale.

La situation est donc dans une impasse. N’étant pas sous la crainte d’une intervention militaire ni d’une contagion de la révolte au reste de la Chine, Xi Jingping risque de continuer dans sa stratégie du pourrissement. Celle-ci ne pourra cependant pas durer éternellement, l’économie d’Hong Kong et la réputation de la Chine ne pouvant se le permettre. Dans ce cas de figure, la pression devrait s’accentuer.

Sources

« Pourquoi Hong Kong revêt une importance stratégique pour l’économie chinoise« , L’Express, 16/08/2019

« Les Hongkongais ne rêvent pas d’être chinois« , Courrier International, 28/06/2019

« A Hongkong, les universités à la pointe de la contestation« , Le Monde, 16/11/2019

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Charles SIROUX

Travaillant dans la gestion de risque et de crise, il est diplômé d'un M2 en géopolitique et prospective à l'IRIS. Ses thèmes de prédilection sont les enjeux sécuritaires, énergétiques et d'influence, ainsi que les tendances historiques.

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