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Pourquoi les accords commerciaux entre l’UE et le Mercosur patinent ?

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Depuis 2017, les négociations entre l’Union européenne et le Mercosur (Marché commun du Sud) s’intensifient en vue de sceller un accord de libre-échange qui pourrait s´avérer historique. Cependant, les divisions européennes, les revendications intransigeantes des pays du Mercosur et les futures élections brésiliennes sont susceptibles de mettre en péril plus de 10 ans de négociations.

Les négociations UE-Mercosur
Les négociations UE-Mercosur en bonne voie

Les accords de libre-échange entre l’UE et le Mercosur (Paraguay, Argentine, Brésil, Uruguay) connaissent depuis une décennie des périodes de hauts et de bas au gré des crises économiques et des disparités politiques.  Or, depuis 2016, à la faveur d’une conjoncture nouvelle, les négociations ont repris de bon train. D’un côté, face à l´immobilisme de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et l’isolationnisme américain – qui a en partie causé l´échec du Transatlantic Free Trade agreement (TAFTA) – les européens ont décidé de relancer les accords de libre-échange bilatéraux. L’UE, représentée par le Conseil européen, négocie en effet des accords commerciaux « nouvelle génération » avec l’ensemble des régions du monde. Elle applique provisoirement le Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) avec le Canada depuis 2017, renégocie ses accords commerciaux avec le Mexique et discute avec le Japon autour d´un accord qui sera rapidement signé.

D’un autre côté, le Mercosur connait pour la première fois depuis le début du siècle une convergence politique. Les négociations avec l´UE avaient été longtemps bloquées au nom du protectionnisme latino-américain prôné par l’Argentine de la Présidente Kirchner et le Brésil de la Présidente Rouseff. Or, les deux géants sud-américains, désormais présidés par Macri et Temer, embrassent des doctrines plus libérales. Ils sont notamment en faveur de l´ouverture commerciale de leurs pays respectifs. C´est pourquoi, le moment semble particulièrement propice aux négociations, afin de sceller une alliance historique entre deux pôles mondiaux qui regroupent plus de 750 millions de consommateurs.

Les discussions visent à faciliter l’exportation de produits agricoles (bœuf, éthanol, soja) des pays du Mercosur vers l’Union européenne. En retour, les pays sud-américains doivent ouvrir leurs marchés à l’industrie automobile, aux produits pharmaceutiques, aux produits laitiers, aux vins européens et leurs appels d’offres publics aux industriels de l´union. Pour mémoire, Bruxelles est le premier partenaire commercial du Mercosur. La communauté européenne importe des produits agricoles latino-américains à hauteur de 20 milliards d´euros. En contrepartie, elle y exporte des produits manufacturés équivalents à 40 milliards d´euros. Outre le renforcement des liens géostratégiques entre ces deux espaces, l’accord vise à simplifier et uniformiser les barrières douanières. Les biens industriels sont particulièrement visés, l´UE n´imposant qu´un taux de 0.5% à ces produits tandis que les Sud-américains les taxent à 12%. Cet accord pourrait ainsi rapporter 4 milliards d´euros à l’UE rien qu’en droits de douane.

Le bœuf de la discorde ?

Malgré une volonté avérée de conclure un accord, les crispations sont nombreuses, en particulier sur la question des quotas d’exportation de viande bovine, une filière en crise en Europe. L’UE a déjà accepté, au gré des négociations, l’entrée sur son marché de 78 000 tonnes de viande et de 600 000 tonnes d’éthanol. Néanmoins, les membres du Mercosur ne sont pas satisfaits et souhaitent atteindre les 150 000 tonnes. Il est important de rappeler que 85% (soit 240 000 t) de la viande bovine importée dans l’UE proviennent d’Amérique du Sud. Les pays européens producteurs de bovins appréhendent donc cet accord. Celui-ci devrait aboutir, selon la prévision des experts, à un consensus autour de 100 000 tonnes de viande sud-américaine. Les éleveurs européens, français et irlandais en tête, craignent cette nouvelle concurrence, plus compétitive, qui pourrait leur faire perdre des parts de marchés. Ces parts de marché ont, par ailleurs, déjà été endommagées par les accords CETA, qui autorisent l´importation de 60 000 tonnes de viande canadienne.

De l’autre côté de l’Atlantique, les questionnements sont également nombreux. Ce traité semble à première vue largement déséquilibré en faveur des européens. Tout d’abord, il pourrait « reprimariser » les économies des Etats sud-américains. Il fait la part belle aux exportations de denrées agricoles latino-américaines tout en réduisant les barrières douanières des produits industriels européens.  Dès lors, les pays privilégieront les produits manufacturés européens à ceux du Mercosur. En outre, l’écologie est la grande oubliée de cet accord, qui ne mentionne les accords de Paris que de manière symbolique. L’augmentation des quotas d´exportations sud-américaines en bœuf et en éthanol accélèrent la déforestation de l’Amazonie brésilienne et du nord de l’Argentine. Pour autant, la rapidité des négociations pourrait être le facteur véritablement déterminant pour mener à bien cet accord. Les négociateurs tentent à tout prix de trouver un terrain d’entente avant les prochaines élections brésiliennes.  En effet, le Parti des travailleurs de l’ex Président Lula, hostile au projet, pourrait revenir au pouvoir. Ceci repousserait encore un peu la date de signature du traité. Plus encore, en 2019, les élections européennes prendront le relais. L’avenir de cet accord très ambitieux n’est donc pas encore assuré.

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