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L’appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyber espace, un succès en demi-teinte

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A l’occasion du Forum pour la Gouvernance d’Internet qui s’est tenu à l’UNESCO à Paris le 12 novembre 2018, le président Français, Mr Macron, a lancé « l’Appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyber espace ». Cet appel est un texte non contraignant juridiquement. Ses signataires regroupent 51 Etats dont tous les Etats membres de l’Union européenne, 130 entreprises privées et universités ainsi que 90 acteurs à but non lucratif.

Le Forum pour la Gouvernance d’Internet s’est tenu à Paris et a été l’occasion pour des Etats, entreprises et ONG, de signer l’Appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyber espace.

Bien que le forum existe depuis 12 ans, cette année 2018 marque un tournant.  En effet, cet espace originel d’échanges et de réflexions autours d’Internet sera désormais la source de la production de recommandations concrètes pour l’avenir, qui seront ensuite portées devant des organisations internationales (1).  Chaque édition permettra désormais de préparer en amont le sommet suivant à la lumière des débats qui auront animé le sommet précédent. Le but est donc de  garantir un véritable suivi.

Trois messages forts se sont distingués cette année. Il a d’abord été rappelé que les principes fondamentaux du droit s’appliquent au cyber espace. Puis, monsieur Macron a insisté sur la nécessité d’impliquer les différents acteurs d’Internet dans la création d’un cyberespace sécurisé régit par l’utilisation bienveillante de la technologie numérique. « Il nous faut donc construire par la régulation cette voie nouvelle où les Etats, avec les acteurs de l’Internet, les sociétés civiles, l’ensemble des acteurs, arrivent à bien réguler. » (2). Enfin, le renforcement de la sécurité des produits et services numérique utilisés quotidiennement pour se prémunir de cyberattaques a également été souligné comme étant un axe principal.

Réguler Internet pour mieux attribuer les responsabilités : la France porteuse d’une « troisième voie » de l’Internet pour l’Europe ?

Mr Macron a prôné dans son discours une régulation d’Internet et a appelé à « sortir de la fausse alternative qui s’offre aujourd’hui à nous, et qui voudrait que n’existent que deux modèles : celui, d’un côté, d’une complète autogestion, sans gouvernance, et celui d’un Internet cloisonné et entièrement surveillé par des États forts et autoritaires. » (2). La troisième voie sera donc défendue par la France et l’Europe et sera établie sur la coopération entre les États mais aussi entre les États et les entreprises. Ainsi, le président a appelé à faire évoluer le cadre légal européen et à reconnaître des responsabilités aux hébergeurs de contenus illicites en légiférant. Cet Internet régulé pour mieux attribuer les responsabilité et protéger les utilisateurs deviendrait ainsi une spécificité européenne.

Des accords avec les géants du net ont été passés pour faire un pas de plus pour la sécurité sur Internet. Par exemple, la France et Facebook ont annoncé lutter ensemble contre le cyber harcèlement et les contenus haineux. Ainsi, un groupe de régulateurs français travaillera bientôt en partenariat avec Facebook pour constituer des recommandations concrètes sur ces sujets.

Un premier pas vers le succès entaché par l’absence d’engagement concret des puissances Internet

Bien que cet appel réunisse un grand nombre de signataires, ce qui est encourageant, quelques nuances devraient être apportées à ce succès. Tout d’abord, cet accord n’est pas un accord contraignant juridiquement. Ainsi, toute entorse à ce pacte ne peut être sanctionnée. On relève également que la Chine, la Russie, les Etats-Unis, l’Iran ou encore Israel n’ont pas signé cet engagement alors même qu’il s’agit de puissances numériques à même d’utiliser le cyber espace à des fins malveillantes. De ce fait, les relations informelles entre États, notamment sur la question des échanges de données, devrait être institutionnalisée pour rendre plus légitime et à la fois plus contraignant la relation en cas de manquement. Enfin, l’application du droit international public au cyberespace n’est pas une nouveauté. Depuis 2013, la Charte des Nations-Unies et les principes de droit international public s’appliquent au cyberespace. Ainsi, Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU a évoqué lors de cet appel la non-utilisation de cyber armes contre les civils et la non-ingérence cyber dans les processus électoraux .

L’Appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyber espace est un premier pas ambitieux et prometteur pour la sécurité et la régulation du cyber espace. Cependant, il reste de nombreux défis à relever pour que l’accord devienne le point de départ d’une stratégie à long terme pour la régulation d’Internet. Face à l’immobilisme des Etats n’ayant pas adhéré à l’Appel de Paris et à la multiplication des acteurs malveillants du web, une question subsiste : n’est-il pas trop tard pour tenter de freiner l’emballement de la machine ?

Sources :

(1) https://www.afnum.fr/wp-content/uploads/2018/11/Appel-de-Paris-Questions-réponses-FR.pdf

(2) https://ue.delegfrance.org/cybersecurite-appel-de-paris-2018

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Eléonore Motel

Eléonore est étudiante en master 2 à Sciences Po Lille. Ses thèmes de prédilection sont l'intelligence économique, les problématiques de défense, de sécurité et d'innovation

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