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Spoutnik V : Russian Revenge ?

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Avec Spoutnik V, la Russie offre le premier vaccin au monde contre la Covid-19.  Succès ou marketing ? 

Moscou, nouvelle leader dans le domaine médical ?

Spoutnik V, le vaccin russe
Spoutnik V, le vaccin russe

Le nom même de ce vaccin éclaire sur les attentes qu’il suscite. Il renvoie au célèbre satellite qui a marqué le début de la conquête spatiale russe en 1957. Avec ce symbole, Moscou cherche à reprendre sa place de leader du monde médical, qu’elle occupait aux temps de l’URSS.

Le Kremlin a autorisé Spoutnik le 11 août 2020. Il est facile à conserver et proposé à un prix relativement raisonnable par rapport à la concurrence. Selon le site officiel du vaccin, Spoutnik V est un des plus fiables et, schémas à l’appui, même les nouvelles souches ne lui résistent pas. 

De plus, Moscou a récemment homologué un dérivé de Spoutnik V, « Spoutnik Light », le 6 mai 2021. Il est légèrement moins efficace que le précédent mais présente l’avantage d’être unidose. 

Néanmoins, ces succès ne reflètent pas la situation intérieure du pays. La Russie est le pays européen où l’épidémie a fait le plus de morts ; et la vaccination, sur fond de défiance à l’égard des autorités, est à la traîne. Selon un décompte du site Gogov, seulement 27,3% des Russes sont totalement vaccinés, malgré des incitations, restrictions et obligations du Kremlin.

Spoutnik et le reste du monde 

À ce jour, l’utilisation de Spoutnik V a été approuvée par 62 pays, près de 1,5 million de personnes l’ont déjà reçu dans le monde et plus de 14 pays ont annoncé le lancement de la production du vaccin, dont l’Inde et la Chine. 

La « diplomatie du vaccin », est autant un enjeu économique que géopolitique ; une opportunité pour nouer de nouvelles alliances. Notamment avec des pays moins développé attendant de recevoir des vaccins, faute de pouvoir en concevoir. 

Le Kremlin n’hésite pas à user du vaccin comme un moyen d’influence ; par exemple, au Kazakhstan et au Kirghizistan, pré-carré de Moscou, où Spoutnik V est concurrencé par le vaccin chinois Sinopharm. 

Cependant la stratégie russe connait des déboires : plusieurs pays se plaignent d’avoir été déçus par les promesses non tenues et les retards de livraison du vaccin russe. Notamment l’Iran, le Guatemala, le Honduras, la Bolivie, le Mexique, l’Argentine, le Ghana et l’Angola. Le Kenya a même ordonné l’arrêt de l’utilisation du Spoutnik V en avril. Après que Nairobi s’est aperçue que le vaccin était distribué à des sociétés privées qui facturaient jusqu’à 70 dollars la dose.

Quid de l’Europe ?

En septembre 2020, puis en février 2021, deux articles publiés par la revue scientifique britannique The Lancet ont confirmé l’efficacité de Spoutnik. Néanmoins, les Européens restent sceptiques quant à son efficacité – sur fond de tensions géopolitique accrues depuis plusieurs mois (affaire Navalny et Nord Stream 2). Depuis le 4 mars 2021, l’Agence européenne du médicament (AEM) a débuté un examen du vaccin russe. Seul les vaccins autorisés par l’AEM seront reconnus par le pass sanitaire européen et approuvé pour la vente en Europe. Or, Reuters a rapporté cet été que la procédure de validation du vaccin russe a été retardée, faute de présentation dans les temps de données sur les essais cliniques.

Au delà de ce problème, l’autorisation du vaccin en lui-même est une problématique. Si l’AEM refuse son autorisation, la Russie pourrait déclarer que l’agence n’est pas neutre, pointer du doigt sa non-indépendance et la discréditer. À contrario, si l’AEM autorise le vaccin, cela favorisera les dissensions au sein de l’Union européenne ; entre ceux qui sont favorables à l’utilisation du vaccin russe, comme l’Italie et l’Allemagne, et ceux qui y voient une tentative d’ingérence russe ; par exemple, la France dont le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a qualifié Spoutnik « de moyen de propagande et de diplomatie agressive ». 

Deux pays européens ont cependant déjà choisi d’utiliser le vaccin russe : la Hongrie et la Slovaquie. Or, Bratislava, après avoir acheté 200 000 doses en mars, a officiellement cessé d’utiliser Spoutnik V le 31 août suite à une crise politique interne. 

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Mathilde

Mathilde est diplômée du Master international "Politics and Economy in Eurasia" du MGIMO (Institut d'État des Relations internationales de Moscou). Elle est passionnée par la géopolitique de l'espace post-soviétique et du Moyen-Orient.

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