Monde et mondialisation

L’altermondialisme (3/3) : quelles issues ?

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James Tobin, créateur de la taxe du même nom
James Tobin, créateur de la taxe du même nom

Certes, un besoin réel de régulation de la mondialisation existe, il a d’ailleurs été plusieurs fois affirmé par des chefs d’Etat européens. Mais le mouvement altermondialiste doit faire face à la perte de légitimité et de souveraineté des Etats, alors même qu’aucun gouvernement international n’existe. Il n’est pas étonnant de voir que l’altermondialisme, durant les années Bush, a pu véhiculer des thèses anti-américaines face à l’hégémonie, contraire au credo altermondialiste, développée par Bush. Mais, paradoxalement, alors même que les altermondialistes la condamnent (certes moins fortement que le FMI), seule l’ONU aujourd’hui parait capable de créer un droit international, prélude à une meilleure régulation internationale.

Les altermondialistes ont fait de la lutte contre l’aspect financier de la mondialisation l’un de leurs chevaux de bataille. Lutter pour en réformer certains aspects serait certainement une réussite. Cette critique s’est largement accrue depuis la crise asiatique de 1997. Cette volonté est portée par ATTAC, notamment à travers la défense de la taxe Tobin. Taxer les mouvements de capitaux afin de financer le développement du Sud parait une idée pleine de bon sens. Mais ce serait déformer le propos de Tobin. Lui souhaite une taxe avant tout pour parasiter la spéculation internationale. Aucune pensée tiers-mondiste ne le guidait. Mais imaginer que 150 milliards de dollars par an pourraient être obtenus en taxant à 0,1% les transactions financières internationales relève encore de l’utopie.

Au contraire, il parait difficile pour le mouvement de mettre un terme au « dumping social » instigué par la mondialisation. Aucune loi ne peut empêcher un PDG de délocaliser pour trouver des coûts salariaux inférieurs. L’Organisation Internationale du Travail n’en a pas le droit. Les altermondialistes ont beau faire pression sur l’OMC, la création d’une norme sociale internationale ne serait de toute façon pas reconnue par bon nombre de pays en développement.

Quant au mouvement en tant que tel, sa principale force est également une faiblesse. Etre déhiérarchisé, décentralisé ne permet pas au grand public d’identifier qui se cache véritablement derrière l’altermondialisme. Beaucoup critiquent une organisation sans tête, sans programme réellement défini, se basant uniquement sur une critique, sans la volonté de construire quoi que ce soit, ou de proposer autre chose qu’un « non ». Le mouvement n’apparait pas viable tant qu’un (ou deux) chevaux de bataille véritablement définis seront défendus : tiers-mondisme, défense des paysans, écologie, etc. ? Il existe de plus certaines ambigüités : s’agit-il de critiquer, de réformer, de détruire le capitalisme ? Quel doit être le véritable pouvoir alloué à la société civile ? Une réponse à ces questions et le mouvement pourrait bien prendre de l’ampleur. A moins que ses multiples partisans (allant des souverainistes aux révolutionnaires en passant par des réformistes) ne délitent eux-mêmes leur propre mouvement…

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