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Le Protocole de Brazzaville (1988), la clé vers la fin de l’apartheid

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De l'Angola à l'Afrique du Sud, des espaces sous tension
De l’Angola à l’Afrique du Sud, des espaces sous tension

A la fin des années 1980, alors que la Guerre Froide est dans ses derniers instants, l’Afrique australe connaît un destin mouvementé. Sur la fameuse « diagonale des conflits », l’Angola est en pleine guerre civile depuis 1975, les forces gouvernementales communistes (le MPLA) faisant face à la rébellion de l’Unita, soutenue par le bloc de l’Ouest. De son côté, l’Afrique du Sud pratique depuis 1913 un système d’apartheid qui s’est densifié depuis les années 1970 et est de plus en plus critiquée par la communauté internationale.

Les situations de ces deux pays n’ont donc, semble-t-il, rien en commun. Pourtant, alors que les tensions commencent à s’éteindre sur les principaux fronts de la Guerre Froide, des négociations ont lieu afin de lier les deux sujets. En effet, l’Afrique du Sud, gouvernée par Pieter Botha, est prête à faire des concessions sur son régime d’apartheid, du fait des sanctions économiques internationales et d’une situation interne intenable. Or, l’Afrique du Sud soutient également l’Unita en Angola, alors en perte de vitesse face aux forces du MPLA.

Des premiers pourparlers informels prennent place dès 1986 sous l’égide de la France, où le sujet de l’indépendance de la Namibie, alors sous domination sud-africaine, est également abordé. De son côté, un appui historique du régime angolais du président Dos Santos, F. Castro, est prêt à retirer ses troupes cubaines engagées depuis des années en Angola (50000 soldats environ), en échange de l’indépendance de la Namibie. En 1987 et 1988, les négociations continuèrent, avec la participation active des Etats-Unis. Même si de nouveaux troubles éclatèrent début 1988 en Angola (notamment sur le front de Cuito Canavale, l’un des plus meurtriers de l’histoire africaine moderne), Cuba, l’Angola et l’Afrique du Sud se retrouvèrent en décembre à Brazzaville (Congo), sous la Présidence du Secrétaire Général de l’Organisation de l’Union Africaine, D. Sassou Nguesso. C’est le 22 décembre 1988 que ce Protocole devint officiel, et plus connu sous le nom d’Accords de New York.

Ce protocole scella en quelques années la situation en Afrique australe. Cuba et l’Afrique du Sud s’accordèrent pour retirer leurs troupes d’Angola, pendant que l’Afrique du Sud se retirait de Namibie, permettant son indépendance en 1990. Dans la foulée, Botha, puis le Président De Klerk, engagèrent des discussions avec l’ANC, le principal parti d’opposition sud-africain. C’est ensuite que la fin de l’apartheid fut signée, marquée notamment par la libération du chef de l’ANC, Nelson Mandela.

Ce Protocole est un autre exemple géopolitique de la théorie des dominos, un accord en succédant à un autre. Certes, c’est principalement la situation en Afrique du Sud, intenable, qui a poussé le pays à prendre de grandes décisions, à la fois sur des purs sujets sociaux internes, mais également sur son engagement régional. Mais c’est aussi un cocktail subtil de fin de Guerre Froide, de Françafrique (le rôle des envoyés tels que J-Y Ollivier et J-C Mitterrand n’y est pas étranger) et de réalisme géopolitique qui permit un tel accord. Néanmoins, la guerre perdura encore de nombreuses années en Angola, jusqu’en 2002, causant la mort de près de 500 000 personnes.

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