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Groupe Wagner : Contractors ou Barbouzes ? (3/3)

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Depuis quelques années, le nom « Wagner » fait écho à de nombreux points « chauds » de l’actualité internationale. Ukraine, Syrie, Centrafrique, Libye, Soudan et même Venezuela sont des territoires où résonnent la présence de civils armés à l’accent russe. Mais qui sont ces membres du groupe Wagner ? De simples « contractors », payés pour faire de la protection comme toute société militaire privée ? Ou ses actions sont-elles plus opaques ?

Alors que tous les pays précédemment nommés sont directement concernés par des intérêts russes, il est de bon ton de se poser la question. Le groupe Wagner : société militaire privée ou barbouzerie ?

Wagner et la Centrafrique

Le Venezuela, partenaire stratégique de Moscou. Le groupe Wagner serait dans le pays de manière officieuse.
Le Venezuela, partenaire stratégique de Moscou. Le groupe Wagner serait dans le pays de manière officieuse.

Depuis janvier 2018, Moscou envoie 170 « instructeurs russes civils » pour former les soldats de Centrafrique. Ce pays, l’un des plus pauvre du monde, est sujet à des affrontements interethniques et religieux, opposant les milices Séléka (composées de musulmans) aux milices anti-Balaka (composées de chrétiens). Le pouvoir du gouvernement y est très faible. Moscou peut ainsi apporter un soutien militaire qui agace l’Organisation des Nations Unies et la France, toutes deux engagées sur ce théâtre d’opération.

Parmi les « contractors » russes présents se trouvent des hommes du groupe Wagner. Certains seraient même dans la garde prétorienne du président centrafricain Faustin-Archange Touadéra. Cette « protection » du groupe Wagner semble avoir également beaucoup concerné le secteur minier. Le pays a un sous-sol très riche en minerais tels le diamant, l’or, l’uranium, le fer ou les terres rares. Ces dernières sont indispensables au fonctionnement d’appareils électroniques de pointe.

Une présence de Wagner qui questionne

Trois journalistes russes d’investigation ont été tués à 200 km de la capitale, Bangui, alors qu’ils enquêtaient sur les actions du groupe Wagner. L’enquête a conclu à un crime crapuleux. Cela a révélé le caractère flou des missions du groupe dans le pays. Cet événement tragique d’août 2018 fait peut-être écho à l’attribution d’un permis de recherche d’or à Yawa à une entreprise russe. Un certain Evguenii Khodotov en est le directeur. L’homme est surtout un proche d’Evguénii Progojine, le « cuisinier du Kremlin ».

De plus, Monsieur Prigojine a également pu se tailler une part de lion grâce à sa société Lobaye Invest Serlu, qui a reçu une concession d’exploitation minière le 2 juin 2018, deux mois avant que ses trois compatriotes journalistes décèdent mystérieusement. Alors que des contrats d’armement sont passés entre Bangui et Moscou, la tête de pont de ce rapprochement a peut-être une allure de traiteur russe avec une kalachnikov en bandoulière.

Wagner et le Venezuela

Un groupe de mercenaire serait également au Venezuela. Cette troupe a pu s’y rendre via des vols commerciaux au départ de la Havane en janvier 2019. Ils seraient arrivés à Cuba dans des avions affrétés de Russie selon Reuters. Aucune mention de Wagner n’y est faite. Un chef de mercenaires russe aurait en revanche confirmé l’information d’une présence de sociétés militaires privées dans la zone. Les effectifs de ces sociétés s’élèveraient à 400 selon cette même source.

Les contractors se seraient enregistrés sous différentes organisations – environ une douzaine – pour ne pas attirer l’attention à leur arrivée au Venezuela.  Leur rôle est de protéger le président Nicolas Maduro, affaiblit par une opposition soutenue par les pays occidentaux. Dans un pays en plein troubles politiques, en pleine crise économique, la présence de mercenaires russes laisse peu de doutes sur la signature de Moscou. Une source anonyme et proche du groupe Wagner aurait confirmé la présence des hommes d’Evguéni Prigojine sur le territoire Vénézuélien.

Mais la présence de ce groupe, ou de toute autre entité relevant du groupe, n’est jamais officialisée par le pouvoir russe, hormis devant un fait accompli. Le déploiement de troupes russes officielles en avril est peut-être un nouveau moyen d’officialiser une présence russe informelle depuis quelques mois. En tout cas, le procédé semble être le même qu’en Centrafrique et qu’au Soudan.

Le Venezuela, un partenaire stratégique pour la Russie

Ce qui change est surtout l’immense intérêt économique, politique et stratégique que présente le Venezuela pour la Russie. En effet, le Venezuela est le principal allié américain continental de Moscou. Son armement est majoritairement d’origine soviétique et Moscou reste le principal fournisseur d’équipement militaire de Caracas. La Russie est également la deuxième créancier du pays derrière la Chine. Enfin, la Russie a énormément investi dans le pays, spécialement dans le pétrole via l’intermédiaire de Rosneft, fleuron pétrolier russe.

Les Etats-Unis, en fermant leur économie à Caracas, ont précipité Nicolas Maduro dans les bras moscovites. Et la Russie bénéficie de conditions favorables pour continuer d’y investir. C’est le cas notamment de l’entreprise Rosneft qui a des accès préférentiels à certains gisements de gaz de schiste. En définitive, Moscou est une des pierres angulaires du maintien du président Maduro au pouvoir.

Simple société militaire privée ou fabrique à barbouzes ?  

Il devient clair que l’aspect indépendant de cette société militaire privée ne peut occulter sa proximité avec le pouvoir russe. Tout d’abord, Evguéni Prigojine est un proche du président russe, et agit cependant en toute impunité. Ensuite, une partie de l’intelligentsia du pouvoir bénéficie des retombées économiques négociées après l’aide du groupe Wagner. Enfin, et surtout, ses contractors se déploient dans des zones stratégiques pour le Kremlin et assistent des pouvoirs, gouvernements ou groupes séparatistes proches de Moscou. Leur présence discrète dans tous les dossiers internationaux obscurs russes laissent à penser que ce groupe est beaucoup plus barbouze que simplement privé. Pour une société militaire privée interdite en Russie, ce groupe semble avoir de beaux jours devant lui.

Sources :

-« Are Russian mercenaries in Venezuela ? What we know », The Defense Post, 25 janvier 2019, (https://thedefensepost.com/2019/01/25/russian-mercenaries-venezuela-pmc-wagner/)

-« Du Venezuela à la Centrafrique, les mercenaires de Wagner sur tous les fronts », Le Point, 30 janvier 2019, (https://www.lepoint.fr/monde/du-venezuela-a-la-centrafrique-les-mercenaires-de-wagner-sur-tous-les-fronts-30-01-2019-2289909_24.php)

– « Gaz : le Venezuela déroule le tapis rouge à la Russie », Actu & Eco, 9 aout 2019, (https://www.capital.fr/economie-politique/au-venezuela-la-russie-risque-de-perdre-un-allie-et-des-milliards-1325457)

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Harold MICHOUD

Harold Michoud est étudiant de Grenoble Ecole de Management et effectue une poursuite d'étude en géopolitique au sein de l'IRIS SUP'.

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