Regards géopolitiques – publié aux Editions du Net le 9 juillet 2015

La couverture de notre premier ouvrage, Regards géopolitiques
La couverture de notre premier ouvrage, Regards géopolitiques

Après cinq ans d’existence, fort de vingt rédacteurs passionnés et engagés comme vous dans les relations internationales, nous publions notre premier ouvrage, Regards géopolitiques (Les Editions du Net – 330 pages, 18€ en version papier, 11,90€ en version pdf). Au travers de cinquante-cinq fiches synthétiques et détaillées, nous vous proposons un décryptage des principaux sujets politiques et économiques actuels, autour de quelques grands thèmes :

  • Dix sujets chauds (monde arabe, Ukraine, piraterie, développement, etc.)
  • Une revue des quinze principales reconfigurations actuelles (migrations, terrorisme, environnement, énergie, Espace, etc.)
    Une présentation de quatre sujets militaires (défense, sûreté, drones, etc.)
  • Une étude de seize pays, sous-régions et de leurs principales problématiques
  • Et dix questions géopolitiques que l’on doit se poser – et que l’on ne se pose jamais (« L’économie a-t-elle pris le pas sur le politique ? », « L’arme nucléaire est-elle toujours utile ? », etc.)

Au fil des pages de Regards géopolitiques, Les Yeux du Monde vous propose une analyse géopolitique claire et concise des grandes questions qui structurent le débat stratégique mondial. 55 fiches vous sont présentées pour permettre à tous de mieux comprendre les principaux enjeux du monde dans lequel nous vivons. Et cela en un clin d’œil !

Vous trouverez ci-dessous quelques-unes des meilleures pages de cet ouvrage. Au nom de toute l’équipe de rédaction, nous vous en souhaitons une agréable lecture, et espérons que ce premier ouvrage en appelle de nombreux autres.

Vous pouvez vous procurer ce livre en cliquant ici.

 

 

Avant-propos

Quand Les Yeux du Monde se sont ouverts, au printemps 2010, la rédaction d’un ouvrage était un objectif ô combien lointain. Dans le but premier de proposer à des lecteurs amateurs, passionnés ou professionnels en géopolitique et plus récemment en économie, une analyse critique, courte et directe, des principaux événements historiques et actuels, nous avons depuis conquis une audience toujours croissante. Depuis cinq ans, notre objectif est double. En premier lieu, faire découvrir la géopolitique et l’actualité internationale à de très nombreux profanes qui sont, comme nous le sommes, époustouflés par la rapidité et la profondeur des mutations en cours dans notre monde. Puis, proposer un contenu clair, précis et varié permettant une lecture rapide mais néanmoins efficace des principaux enjeux mondiaux, à des fins pédagogiques (étudiants en phase de concours, comme nous l’avons été) ou tout simplement informatives. Ce sont, à notre humble avis, les forces qui nous ont permis d’accroître et de diversifier significativement notre audience depuis cinq ans.

C’est aujourd’hui cette même audience que nous souhaitons remercier à travers cet ouvrage, que nous espérons être le premier d’une longue série. Cet ouvrage, qui a germé dans nos têtes depuis plusieurs mois, représente l’aboutissement de notre projet, celui de faire découvrir (et qui sait, apprécier) la géopolitique à tout un chacun. N’étant pas des « professionnels » de la géopolitique et des relations internationales en général, vous ne lirez pas un prêt-à-penser illustré. Nous voulons plutôt vous proposer des fiches faciles d’accès, qui ont pour but de vous faire réfléchir sur les grands thèmes actuels comme ils nous ont fait réfléchir à l’écriture de cet ouvrage. Des fiches dévoilant la vision du monde de jeunes adultes qui ne font pas des relations internationales un projet professionnel (ou pas encore), mais seulement une passion. Ainsi, de par notre statut, nous ne prétendons pas être la référence sur les sujets que nous abordons. Nous prétendons plutôt être ceux qui vous proposent une analyse fine, impartiale et sans esprit de chapelle, loin des pensées d’appareil qui pullulent, malheureusement, dans nos librairies et sur le Web.

Comme sur notre site internet, nous avons décortiqué, ce qui à notre sens, font les grandes tendances politiques et économiques de ce début de XXIe siècle. À travers une lecture que nous avons souhaitée continentale ou thématique, nous abordons dans cet ouvrage ce qui sous-tend l’exceptionnel mouvement de notre planète. Avec toujours le dessein de vous proposer un contenu attrayant et droit au fait, pour vous donner les grilles de lecture de ce monde ô combien compliqué.

Plutôt que de défendre telle ou telle thèse, nous nous sommes concentrés sur une cinquantaine de questions que tout citoyen de ce monde devrait se poser s’il souhaitait mieux comprendre le monde dans lequel il vit. Regroupées par grands thèmes ou par grands espaces, les réponses que nous tentons d’y apporter, modestement, devraient vous permettre, cher lecteur, de mieux percevoir les tensions régnant sur cette planète. Voire, et c’est l’un de nos objectifs, d’initier un débat avec nous, ou vos proches, ou vous-même, sur les conclusions que nous apportons. En effet, à travers le site Les Yeux du Monde.fr comme à travers cet ouvrage, nous pensons que la compréhension des relations internationales doit sortir du cadre fermé dans lequel on a voulu les placer, et les faire enfin entrer dans le débat public, à la suite d’ une demande générale. Alors que notre avenir dépend très fortement de ce qu’il se passera dans le monde qui vient (et non seulement dans notre pays), nous occultons beaucoup trop rapidement ces questions actuelles qui sont, en réalité, essentielles voire, existentielles.

Ainsi, nous commencerons par nous intéresser à ce qui, pour nous, constituent les dix points chauds actuels sur notre planète. Points chauds historiques et géopolitiques, mais également issus des mouvements de révoltes autour de la Méditerranée voire à des conflits internes, ils sont au cœur de l’actualité, parfois dramatique. Et puisque la géopolitique n’est pas suffisante pour avoir toutes les clés de lecture de ce monde, nous avons inclus deux « points chauds économiques », conséquences logiques de la violente crise de 2008.

Par la suite, nous avons retenu plusieurs thèmes d’actualité internationale sur lesquels nous avons choisi de nous pencher. Environnement, sécurité, migrations, énergie, institutions internationales, terrorisme sont tous devenus des concepts clés à comprendre pour mieux saisir les enjeux de notre planète. Autour de quinze questions directes, nous tâcherons d’éclaircir ce que beaucoup pensent maîtriser sans que ce ne soit le cas. À cette « recomposition géopolitique » décortiquée, nous avons choisi d’ajouter quatre questions sur des sujets purement militaires, durant une période de profonde mutation du secteur.

L’avant-dernière partie de l’ouvrage sera la seule consacrée à des études purement nationales, voire subrégionales. Les grandes puissances mondiales, qu’elles soient historiques ou émergentes, expérimentent depuis plusieurs années de profondes mutations qu’il s’agit d’analyser, à l’intérieur même de leurs frontières, mais aussi en termes d’influence extérieure. Après une étude purement nationale du G8 actuel (ou plutôt de ce qu’il en reste), des fiches subrégionales vous permettront de mieux saisir les ressorts de l’émergence de certains pôles de croissance et les difficultés rencontrées par d’autres.

Enfin, nous avons souhaité apporter notre vision sur des questions majeures trop souvent passées sous silence, pour des raisons parfois incompréhensibles. En tâchant de rester aussi mesurés que possible, nous avons voulu nous affranchir de ce que certains appellent communément le « politiquement correct » ou la « pensée unique » et poser dix questions qui fâchent, soit parce qu’elles pointent du doigt les failles d’un grand acteur mondial (Europe, Chine, Afrique par exemple), soit parce qu’elles vont à l’encontre de ce qui est communément pensé (étude de la toute-puissance de l’économie sur la politique, mise en perspective de l’influence de la Russie sur son environnement proche, par exemple). Cette dernière partie a donc pour but également d’engager un débat avec vous, lecteur, sur ces questions qui n’ont pas de réponses toutes faites mais que trop peu osent se poser.

Cinq raisons de lire cet ouvrage :

  • Il est le fruit de réflexions de jeunes passionnés, et non d’experts des relations internationales, permettant ainsi une impartialité revendiquée pouvant aller de pair avec une liberté de parole affirmée
  • Il présente une revue complète de ce que nous pensons être les grands thèmes politiques et économiques actuels, avec un contenu court, facile d’accès, quel que soit votre niveau de compréhension des grands enjeux mondiaux
  • Il synthétise les analyses de dix actuels et futurs jeunes actifs, aux parcours académiques variés et aux expériences personnelles et professionnelles, notamment à l’étranger, ayant radicalement transformé leur vision du monde
  • Il rassemble la cinquantaine de questions (et de réponses !) qui invitent les citoyens que vous êtes à réfléchir pour véritablement comprendre ce qui fait l’essence des profondes mutations du monde actuel
  • Il constitue, enfin, l’apogée d’un projet collectif initié sur le Web, et qui rassemble aujourd’hui une communauté de plus de 15 000 lecteurs mensuels assidus. Communauté qui, évidemment, souhaite s’accroître toujours plus.

Nous espérons que vous prendrez autant de plaisir à lire notre prose que nous en avons pris à son écriture. Ce projet collégial, issu des réflexions d’une dizaine de jeunes professionnels passionnés par les secousses du monde, est la preuve même que les relations internationales, au sens large, ne doivent pas être seulement l’apanage de prétendus gardiens du savoir. Nous assumons d’ores et déjà les éventuelles erreurs qui peuvent s’être introduites dans cet ouvrage : pardonnez-nous notre jeunesse et notre soif de vous présenter des analyses aussi directes que possibles. N’oubliez jamais que, pour paraphraser Niels Bohr, nos théories peuvent être folles, mais peut-être pas assez pour être vraies[1].

[1] Bohr, N. : « Votre théorie est folle, mais elle ne l’est pas assez pour être vraie », citation rapportée par Dyson, F.J dans  “Innovation in Physics” (Scientific American, 199, No. 3, Septembre 1958, pp. 74-82)

 

[…]

 

L’aide au développement : entre privatisation et renouveau

            En 2013, l’aide au développement s’élevait à 134.5 milliards de dollars. Si en 1969 la Commission sur le développement de la Banque Mondiale dirigée par le canadien L. Pearson recommandait aux pays développés de consacrer 0,7% de leur PIB à l’aide au développement, la moyenne mondiale est passée de 0,5% dans les années 1960 à 0,3% aujourd’hui. Alors que les pays considérés dans les années 1960 comme « en développement » sont devenus des pays « émergents », la notion d’aide au développement est elle aussi à repenser. Généralement considérée sous l’angle d’aide publique et définie par l’OCDE comme une aide émanant « d’organismes publics [ayant] pour but essentiel de favoriser le développement économique et l’amélioration du niveau de vie des pays en développement [tout en étant] assortie de conditions favorables »[1], l’aide au développement devient multiforme. Les contraintes budgétaires croissantes auxquelles font face les pays développés tendent à remettre en question le caractère public de cet instrument de redistribution des ressources publiques, de plus en plus financé par des acteurs privés.

Un nouveau paradigme, de nouveaux acteurs

Tant les bénéficiaires que les donateurs d’aide au développement ont évolué. La lecture de la solidarité internationale comme un don des pays riches vers les pays pauvres n’est ainsi plus pertinente. D’une part, la classification des pays a évolué : les pays du groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ainsi que d’autres pays émergents (Indonésie, Mexique, Corée du Sud, Nigeria) connaissent une croissance économique et une amélioration du niveau de vie de leur population les faisant converger vers le niveau des pays développés. Forts de ce nouveau statut, ils deviennent également des donateurs à l’exemple de l’action de la Chine ou de l’Inde en Afrique subsaharienne. Il parait ainsi anecdotique que le Royaume-Uni continue à fournir une aide au développement socio-économique à l’Inde alors que le plus important employeur du secteur de l’industrie du Royaume-Uni est le groupe multinational indien Tata. Les écarts de richesse internes et les limites structurelles du développement des pays émergents expliquent cette situation[2]. D’autre part, la notion d’aide au développement a elle aussi évolué. Contraints par des budgets de plus en plus limités (le budget français pour l’aide au développement a reculé de 20% entre 2012 et 2015), les pays développés ont une nouvelle approche du développement maintenant orienté vers les questions de bonne gouvernance, de transparence et de responsabilité. A l’envoi de fonds se substitue ainsi l’envoi de personnel qualifié et d’experts techniques venant appuyer les compétences internes et les processus de réforme nationale. Ainsi, d’autres acteurs privés, traditionnels comme les organisations non gouvernementales (ONG), ou nouveaux tels que les fondations de grandes entreprises, les institutions financières de développement (IFD) ou encore les personnes morales privées, deviennent les pourvoyeurs croissants d’une aide au développement de moins en moins publique.

Vers une aide confisquée ?

La participation de structures privées à la solidarité internationale n’est pas nouvelle. Les ONG sont des acteurs essentiels à la fois dans la définition stratégique et dans les actions opérationnelles de l’aide au développement, souvent en collaboration avec les structures publiques. La nouveauté réside dans la place croissante des IFD, structures mandatées afin de soutenir les investissements du secteur privé dans les pays émergents. Ces institutions investissent dans les infrastructures (routes, réseaux) et agissent également sur le renforcement des capacités en matière d’éducation ou de protection de l’environnement par exemple. Il s’agit en France de structures comme Proparco rattachée à l’Agence Française de Développement (AFD) ou à l’échelle internationale de l’International Finance Corporation (IFC) rattachée à la Banque Mondiale. L’association de partenaires privés, notamment dans le cadre de partenariat public-privé permet un meilleur partage des savoir-faire et l’apport de capitaux faisant défaut aux structures publiques, tout en répondant aux exigences croissantes de responsabilité sociale des entreprises. Cela pose néanmoins la question de la finalité de ces actions. Si l’impact et l’efficacité de l’aide publique est souvent remise en cause, il en est tout autant des autres formes d’aides. Un rapport de l’ONG European Network on Debt and Development paru en 2014 souligne à cet égard l’opacité et la faiblesse du contrôle qui pèse sur les IFD.

L’intérêt public et général qui prévaut dans les actions de solidarité internationale serait ainsi remis en cause par les pratiques de certaines IFD. Ces dernières favoriseraient à terme les entreprises des pays développés dans leur implantation, faisant ainsi primer la rentabilité économique sur la satisfaction des besoins sociaux locaux. Ces nouvelles formes d’aide au développement revêtent ainsi un enjeu géoéconomique en ce qu’elles servent de point d’appui à des stratégies économiques d’influence plus larges. De même, des dérives ont été constatées à l’instar de placements par certains IFD dans des fonds d’investissements localisés dans des paradis fiscaux (Ile Maurice, Luxembourg ou encore Jersey) devant ensuite être distribués vers des pays émergents. Cet enjeu est d’autant plus crucial que les montants mobilisés par les IFD atteindront en 2015 près de 100 milliards de dollars. Si la collaboration avec le secteur privé est nécessaire, son contrôle l’est tout autant. La confiscation de l’aide au développement au profit du secteur privé n’est pas d’actualité. En effet le développement de financements alternatifs et innovants du développement ou encore de nouvelles dynamiques telles que les remises migratoires permettant des transferts directs entre les acteurs de développement constituent un autre aspect de l’évolution de l’aide au développement. La collaboration accrue entre les secteurs privé et public participe ainsi au renouveau des modalités de la solidarité internationale.

Jessica Somé

[1] Définition de l’aide au développement donnée par la Direction de la Coopération et du Développement de l’OCDE

[2] Cf. « Doit-on toujours considérer les pays émergents comme une menace pour les anciennes puissances ? » (infra)

 

[…]

 

Diplomatie climatique contre impératifs du développement: le nouveau hiatus des relations internationales ?

            En 2014, la diplomatie climatique a fait son grand retour sur la scène internationale depuis l’échec de la conférence de Copenhague en 2009 et le difficile renouvellement du protocole de Kyoto en 2012. Les conférences de Lima fin 2014 et surtout la grand-messe de Paris en décembre 2015 – ou COP21, la plus grande conférence internationale jamais organisée en territoire français – révèlent que l’objectif du GIEC de limiter à 2°C le réchauffement climatique est redevenu un élément important de l’agenda mondial. Si la problématique climatique prend en compte des questions délicates de développement et d’inégalités économiques entre Nord et Sud, elle se heurte surtout au mur des modèles énergétiques : la combustion des hydrocarbures représente encore la majorité de l’énergie produite dans le monde et le mix énergétique des pays en développement demeure de loin le plus déséquilibré en leur faveur. Entre les vœux pieux des diplomates et les impératifs du développement, quelle est la place de la lutte contre le changement climatique dans les relations internationales ?

Genèse d’une diplomatie climatique…

La diplomatie climatique – ou les négociations multilatérales ayant pour objectif une limitation ou une réduction du réchauffement climatique – apparaît dans sa forme actuelle en 1992 au Sommet de Rio lorsqu’est signée par 154 États la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Elle est entrée en vigueur le 21 mars 1994 et se présente à l’origine à la fois comme un premier pas vers la résolution multilatérale d’un nouveau type d’enjeux – pour la première fois des États débattirent en forum diplomatique une question qui ne concernait ni leur souveraineté ni la géopolitique mondiale au sens large -, vers une prise en compte accrue de la société civile dans les négociations et surtout de la nécessité d’un processus évolutif et flexible dans le long terme – d’où l’usage d’une Convention-cadre comme instrument non-contraignant appelant des engagements ultérieurs. Certaines parties ont ainsi négocié en 1997 le Protocole de Kyoto lors de la troisième Conférence des Parties – ou COP3 : il est entré en vigueur en 2005 et constitue le premier traité international sur le climat de l’Histoire. Cependant, l’absence de ratification du Protocole par les États-Unis, son aspect non-contraignant pour des pays « en développement » comme la Chine qui était alors le second émetteur mondial, le retrait du Canada, du Japon et de la Russie qui ont fait passer les signataires à seulement 15% des émissions mondiales ont miné son efficacité : s’il a été prolongé jusqu’en 2020, beaucoup affirment que le Protocole de Kyoto n’est plus qu’une coquille vide et qu’un nouvel accord est nécessaire. La diplomatie climatique est ainsi un pur produit du système onusien, fondée sur le multilatéralisme et les grands-messes annuelles ; elle en a donc aussi les défauts, souvent paralysée par les divergences entre pays en développement et pays industrialisés, souvent condamnée à des compromis a minima.

…qui bute contre l’inertie des modèles énergétiques…

Si le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), fondé en 1988 sur une initiative du G7, affirme que la probabilité pour que le réchauffement climatique soit causé par l’homme atteint les 95%, le pétrole satisfait toujours 32% des besoins énergétiques mondiaux. Si certains espéraient, en suivant les modélisations du géophysicien américain Marion King Hubbert, que la raréfaction des hydrocarbures allait rendre ce modèle de consommation insoutenable avec une hausse des prix incontrôlée au début du XXIème siècle, la découverte de nouveaux gisement offshore au Brésil, en Angola et au Kenya mais surtout l’essor des nouveaux pétroles et huiles de schiste aux États-Unis et au Canada ont encore repoussé le « grand soir » énergétique. C’est même une tendance inverse qui s’est dessinée avec une chute des cours amorcée à la fin de 2014 suite à une décision du « swing producer » saoudien de ne pas baisser sa production face à celle d’Amérique du Nord. La dialectique entre impératifs climatiques et dépendance énergétique est aussi palpable en Europe : si l’Union Européenne est en pointe dans la diversification de son mix énergétique en s’étant fixé comme objectif d’atteindre 20% d’énergie renouvelable dans sa consommation totale d’ici 2020, ses engagements climatiques l’ont obligée à devenir de plus en plus dépendante du gaz naturel russe (elle représente à elle seule 50% des importations mondiales de GNL en 2010). Le conflit ukrainien remet ainsi en question ce modèle avec des tensions accrues entre la Russie et l’UE qui poussent cette dernière à se tourner vers d’autres fournisseurs ou à revenir à d’autres énergies fossiles, phénomène d’autant plus marqué dans des pays comme l’Allemagne qui ont annoncé vouloir renoncer au nucléaire. De même en Chine – leader mondial dans la production d’énergie renouvelable en volume – et aux États-Unis, l’inertie des habitudes de consommation industrielles et privées, ainsi que la reprise économique mondiale rendent les efforts de décroissance des émissions au mieux limités.

…et les enjeux du développement.

Mais c’est surtout autour de la question du développement que les crispations se sont cristallisées lors des grands sommets climatiques du XXIème siècle : qui sont les responsables historiques du réchauffement climatique ? Comment financer la transition énergétique dans des pays qui ont du mal à payer leurs fonctionnaires ou l’entretien de leurs infrastructures ? Le niveau actuel de la technologie dans ce domaine est-il même suffisant pour que la transition énergétique ne paralyse pas la croissance des pays les plus pauvres ? Toutes ces questions ont été plus ou moins laissées en suspens depuis 1992 avec la division du Protocole de Kyoto entre deux ensembles de pays, ceux de l’Annexe I (pays développés de l’OCDE, soumis à des objectifs contraignants) et ceux de l’Annexe II (qui ne sont pas soumis à de tels objectifs) : les pays en développement étaient peu ou prou exonérés des efforts demandés aux plus gros pollueurs.

Cependant, la question de la Chine – classée dans l’Annexe II alors qu’elle était alors le deuxième émetteur et la deuxième économie mondiale – a profondément irrité le gouvernement de George W. Bush et aujourd’hui des voix s’élèvent réclamant que des pays comme l’Inde, le Nigeria ou le Brésil, qui seront amenés dans les dix prochaines années à compter parmi les plus gros pollueurs de la planète, soient liés par traité à la réduction de leur impact climatique. Cette dialectique entre impératifs du développement – plusieurs pays évoquent même un « droit » au développement – et diplomatie climatique apparaît aujourd’hui comme un des grands défis du système onusien et du multilatéralisme tel qu’il a été conçu après la Seconde Guerre mondiale.

Clément Tonon

 

 

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