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Les Etats-Unis au Moyen Orient : désengagement ou redéploiement ?

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Lors d’un récent colloque organisé entre Laurent Fabius et plusieurs spécialistes, le ministre français des affaires étrangères a évoqué une nette « tendance des Etats-Unis d’Amérique à se désengager du Moyen-Orient ». 55 ans après la doctrine Eisenhower faisant de la stabilité de la région une priorité stratégique pour le pays, le « pivot to Asia » de Barack Obama sonne-t-il définitivement le glas de la présence des Etats-Unis dans cette zone sensible ?

Le 5 janvier 1957, le président Dwight Eisenhower annonçait au Congrès des Etats-Unis son intention de contribuer activement à la lutte contre le communisme au Moyen-Orient  en fournissant une aide matérielle et financière aux pays de la région qui en feraient la demande. Le 23 janvier 1980, en réaction à l’invasion soviétique de l’Afghanistan, le président Carter franchissait une nouvelle étape en affirmant que son pays utiliserait la force contre toute tentative étrangère ayant pour cible ses intérêts dans le Golfe Persique. Les géopoliticiens contemporains, qui retiendront ces deux initiatives sous le nom de doctrine Eisenhower et de doctrine Carter, y verront les racines théoriques des deux guerres du Golfe de 1990 et 2003, bien que la menace communiste ait entre temps disparue.

Cependant, cet intérêt historique fondé à la fois sur des problématiques énergétiques –  fourniture en pétrole –  et idéologiques – soutien à l’Etat d’Israël, opposition au régime des mollahs iraniens -, semble s’être amoindri depuis l’arrivée au pouvoir de Barack Obama en 2009. A la profonde lassitude des dirigeants américains face aux enlisements irakiens et afghans, attestée par de nombreux diplomates français comme facteur explicatif non négligeable, s’ajoute la perte d’importance du fournisseur moyen-oriental en matière énergétique, concomitante à l’essor de la production sur le sol américain. Enfin, la volonté affichée de Barack Obama de faire de la zone Pacifique une nouvelle priorité stratégique et économique semble réduire plus encore l’importance du Moyen-Orient, tant en termes d’effectifs militaires déployés qu’en termes d’aide financière stratégique allouée aux gouvernements alliés par le Foreign Military Financing.

Cependant, la perspective d’un désengagement total à court terme butte sur les faits : le poids historique des Etats-Unis dans la région est tel qu’ils y demeurent la première puissance militaire et le principal acteur diplomatique.

La Vème flotte américaine localisée à Manama, au Bahrein, demeure en effet l’une des plus puissantes du monde et malgré le retrait des troupes américaines d’Irak, près de 6000 soldats restent cantonnés dans des bases au Qatar, aux EAU ou à Oman. De plus, plusieurs questions diplomatiques délicates restent en suspens et vont nécessiter pendant plusieurs années encore l’attention des Etats-Unis : les négociations au sujet du nucléaire iranien, le dossier syrien, la crise de régime en Egypte ou le processus de paix israélo-palestinien sont autant de problématiques dont les Etats-Unis ne pourront pas se désengager à court terme sans risquer de déstabiliser pour longtemps la région.

L’influence des Etats-Unis au Moyen-Orient est donc appelée à évoluer plus qu’à disparaître : de moins en moins liés par les problématiques énergétiques et face à un gouvernement iranien plus ouvert, le temps est peut-être venu pour eux de mener une politique régionale plus sereine et mature que durant les décennies précédentes.

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