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La place du Moyen Orient dans la stratégie de diversification des approvisionnements énergétiques chinois.

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Le Moyen Orient assure 30,3% de la production et détient 55% des réserves mondiales de pétrole. La zone représente un intérêt stratégique pour la Chine, en quête d’hydrocarbures. En 2013, 52% du pétrole importé en Chine provenait du Moyen Orient. Le GNL qatari représente actuellement environ 19% des importations de GNL vers la Chine et Oman est également un fournisseur de plus en plus important. D’ici 2035, la Chine devrait importer 6.7 millions bpj en provenance du Moyen Orient mais de nombreux enjeux géopolitiques pourraient menacer les investissements chinois au Moyen Orient.

L’Arabie Saoudite est le premier exportateur de brut à destination de la Chine avec près de 19% du total des importations en brut du pays en 2013. Les National Oil Companies (NOCs) y possèdent de nombreux investissements et sont impliquées dans de nombreux projets. Les joint-ventures sont nombreuses comme la Yanbu Aramco Sinopec Refining Company (YASREF) qui construit une raffinerie dans le port de Yanbu, aux abords de la mer Rouge. Les 8.5 milliards USD d’investissement devraient permettre, dès septembre 2014, la transformation de 400.000 barils par jour d’Arabian Heavy Crude Oil en carburant particulièrement propre en terme de rejet de polluants . Sinopec et Aramco développent également une joint venture, la Sino Saudi Gas Limited, visant à explorer et produire du gaz naturel dans le bassin de Rub’al-Khali. La Chine compte bien se positionner activement pour développer les 5ème réserves de gaz mondiales présentent en Arabie Saoudite encore peu exploitées pour le moment. La Chine pourrait tirer un avantage des oppositions Etats-Unis/Arabie Saoudite autour de la question du nucléaire iranien et du développement des hydrocarbures de schiste aux Etats-Unis pour accroitre sa présence en Arabie Saoudite. Néanmoins, la problématique stratégique que fait peser la présence de la Vème flotte à proximité du Détroit d’Ormuz laisse à penser que la Chine privilégiera la diversification des sources d’approvisionnements à l’intensification des liens avec l’Arabie Saoudite.

L’Irak possède les quatrièmes plus grandes réserves pétrolières prouvées du monde (150 milliards de barils) juste derrière l’Iran. D’importantes réserves encore mal évaluées pourraient même faire de l’Irak le 1er pays en terme de réserves mondiales, détrônant l’Arabie Saoudite. L’État se classe 11ème mondial en terme de ressources gazières. Cependant, malgré un important potentiel énergétique, les réserves irakiennes sont sous exploitées. Les autorités irakiennes annoncent vouloir augmenter la production de 4 millions bpj en 2014 mais ces ambitions ne sont atteignables qu’avec l’appui d’investissements étrangers. Ainsi, depuis l’invasion américaine de 2003, les NOCs se positionnent de manière croissante en Irak profitant du faible positionnement ou des camouflets subis par les entreprises américaines (ExxonMobil, en soutenant des projets au Kurdistan irakien, fut contraint par les autorités de Bagdad à céder plus de la moitié de ses parts dans West Qurna 1 au profit de Petrochina) . Le 23 février 2014, Wang Yi, ministre des affaires étrangères de la RPC, se rendit en Irak afin d’aborder les questions pétrolières. C’est la première visite d’un haut responsable chinois dans le pays depuis 10 ans. Les NOCs, principalement Petrochina et CNPC sont implantées sur de nombreux gisements : West Qurna 1 qui renfermant 43 milliards de barils, Rumaila, Ahdab ou encore Halfaya. Les compagnies chinoises ont disposé d’un important avantage face à leurs rivales étrangères afin de gagner des marchés d’exploitation de gisements; étant majoritairement dotées de capitaux étatiques, elles se préoccupent moins des questions de rentabilité que de la diversification et donc de la sécurisation des approvisionnements énergétiques nationaux . Cependant, comme en témoigne les récentes campagnes de l’État Islamique en Irak et au Levant sur le sol irakien, s’ajoutant au conflit intercommunautaire, la climat sécuritaire en Irak est préoccupant et pourrait éventuellement, comme ce fut le cas en Lybie dès 2011, nuire au secteur pétrolier.

En Iran, la levée partielle des sanctions en novembre 2013 pourrait nuire aux entreprises chinoises. La Chine achetait, en avril 2014, près de 804.000 bpj à l’Iran, ce qui en fait son troisième fournisseur en pétrole. Cependant la présence chinoise en Iran est marquée par de nombreuses incertitudes. Le National Defense Authorization Act (2012) soumet à des pénalités les entreprises commerçant avec la Banque centrale iranienne. Ainsi, les importations de pétrole iranien subirent d’importantes variations avec par exemple des importations de 402.000 bpj entre janvier et avril 2013 (contre le double actuellement). Les incertitudes relatives au secteur pétrolier iranien touchent également les investissements chinois dans les gisements et infrastructures. La CNOOC, en 2011, vit son contrat d’exploitation du North Pars suspendu et le projet d’exploitation de la phase 11 du South Pars par la CNPC fut annulé. Autre illustration des problématiques que soulèvent la présence chinoise en Iran ; les entreprises chinoises risquent de devoir choisir entre investir en Iran ou dans le boom du schiste américain. En effet, les Etats-Unis tentent de défendre au maximum le pré-carré iranien pour préparer l’après sanctions (en témoigne les affaires PSA et BNP Paribas en Iran par exemple). Le Committee on Foreign Investment in the United States pourrait, en engageant des investigations sur des investissements chinois en Iran sous prétexte d’une atteinte à la sécurité nationale, nuire aux entreprises chinoises en en entrainant une hausse des prix sur de possibles acquisitions aux Etats-Unis afin de décourager les NOCs chinoises . Il faut également ajouter que dans le cas d’une levée totale des sanctions, outre une exacerbation de la concurrence par l’arrivée de majors occidentales, la remise en place d’un projet comme le Nabucco pourrait vampiriser une large part des ressources iraniennes pour les diriger vers l’Europe.

Ainsi, le Moyen Orient, disposant de larges réserves, est une composante majeure dans la stratégie de diversification des sources d’approvisionnement en hydrocarbures à destination de la Chine. Cependant, les risques sécuritaires en Irak, l’incertitude en  Iran et la vulnérabilité des approvisionnements maritimes à un possible blocage du détroit d’Ormuz, pourrait voir la Chine privilégier d’autres fournisseurs d’hydrocarbures.

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