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La Cour Pénale Internationale est-elle surestimée ?

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Pensée comme « l’ONU de la justice », la Cour Pénale Internationale (CPI), siégeant à La Haye, est un tribunal chargé de juger les crimes les plus graves lorsque les juridictions nationales ne sont pas suffisamment compétentes ou refusent de juger ces cas. Avec le procès, actuellement, de l’ex-dirigeant ivoirien Laurent Gbagbo, son rôle pacificateur n’est-il pas surévalué ?

L'ex-Président ivoirien Gbagbo a beau chercher : seul son clan est jugé par la CPI pour les crimes commis en 2010
L’ex-Président ivoirien Gbagbo a beau chercher : seul son clan est jugé par la CPI pour les crimes commis en 2010

La CPI a deux réels faits d’armes, depuis sa création en 2002, avec les procès du libérien Charles Taylor et du serbe Slobodan Milosevic. Le premier purge une peine de 50 ans de prison et le deuxième est mort en détention. Le jugement d’un ex-président par une Cour autre que celle de leur pays avait posé les jalons d’un grand système judiciaire transnational. Et pourtant, depuis lors, la CPI ne tient pas le rôle qu’on lui confère.

On ne pourra pas enlever l’idée que la CPI reste au pire biaisée, au mieux non représentative du système-monde. Un tiers des pays ne la reconnaissent pas, parmi lesquels – et non des moindres – les Etats-Unis, la Russie, la Chine et l’Inde. Elle est aujourd’hui un tribunal pour rais et dirigeants déchus et se substitue à une justice nationale qui serait beaucoup trop partiale pour les juger. Dans le cas ivoirien, Gbagbo et son ancien ministre Blé Goudé sont donc jugés pour les exactions commises au moment de la guerre civile de 2010. Personne n’est dupe sur le fait que l’ex-Président en soit responsable, tout comme personne ne l’est pour dire que le camp d’en face en ait également commis. C’est tout simplement le principe d’une guerre civile : différentes factions s’opposent et rares sont celles qui le font dans le pur respect des droits de l’homme. La CPI aurait été vue comme ingérante si elle devait juger le clan Ouattara, actuellement au pouvoir et dernièrement réélu facilement à la tête de la Cote d’Ivoire. Faute d’ingérence, elle apparaît biaisée, en ne jugeant qu’un clan pour les exactions commises, comme juger le seul Taylor au Libéria en 2003.

Pour la CPI, seule l’Afrique mériterait-elle une justice internationale ?

Les travaux de la Cour, à ce jour, traitent neuf cas, dont huit en Afrique. Sans nier les excès commis sur le continent africain, qu’en est-il des autres exactions commises de par le monde ? Pour les cas récents, l’absence de tout procès lié aux Révolutions arabes peut choquer. Et ne parlons même pas d’interventions militaires étrangères aux causes fallacieuses ayant pris part durant la décennie 2000… Les plus optimistes diront qu’il vaut mieux une CPI imparfaite que pas de CPI du tout. Cela est vrai, mais nier ses nombreux défauts est irréaliste. Le procès de l’ex-président tchadien Habré, qui s’est ouvert à Dakar en janvier, représente une excellente alternative pour la CPI et est un test pour tout un continent.

La CPI reste un lointain garde-fou dans la pacification du monde. Ce sont véritablement les actions sur le terrain qui ont un rôle prépondérant dans la réconciliation post-conflit. Dans l’exemple ivoirien, la justice ivoirienne s’est chargée de lourdement punir les fidèles soutiens de Gbagbo (y compris sa femme) en épargnant la plupart de ceux de Ouattara. Ce traitement partial pourrait être un argument de reprise des querelles internes à moyen terme. La CPI se contente pour le moment de mener une enquête sur les agissements du clan Ouattara sans prise de décision à ce jour.

La CPI reste l’emblème mondial d’une justice droit-de-l’hommiste ne devant se substituer qu’en de très rares cas aux juridictions nationales trop souvent biaisées. Néanmoins, son rôle et impact n’évolueront pas tant qu’elle ne sera pas universellement reconnue, à la manière de l’ONU pour la diplomatie ou de l’OMC pour le commerce. Cela apparait peu probable, tant le rôle régalien de la justice est national plus qu’international.

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