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1871 : La Commune de Paris

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Jules Vallès, grand écrivain et journaliste, élu au conseil municipal de la Commune de Paris. Bien que socialiste convaincu, il s’oppose à ses pairs dans leurs décisions les plus extrêmes (incendie des Tuileries,  exécution des otages). Il relate son expérience de la Commune dans son célèbre roman, L’Insurgé.

C’est un fait trop souvent oublié : la IIIe République française, le premier régime républicain « stable » installé dans le pays, a été fondée dans un bain de sang. L’écrasement de l’insurrection parisienne par les troupes du gouvernement d’Adolphe Thiers signe, à bien des égards, l’acte de naissance du système républicain français.

Posons le décor. L’Empire de Napoléon III vient d’être écrasé par la coalition allemande de Bismarck. La République est proclamée en France et, après avoir tenté de résister à l’Allemagne unifiée, elle se résigne à négocier. Les parisiens, qui ont courageusement subi un siège effroyable face aux troupes prussiennes, se sentent désavoués par « la Province » qui, à une écrasante majorité, se prononce pour la paix. Les ouvriers parisiens, dotés d’une puissante conscience de classe, sont échaudés par la décision de Thiers du 10 mars mettant fin au moratoire sur les loyers : des dizaines de milliers de parisiens sont menacés d’expulsion. La capitale, qui n’abrite plus le gouvernement installé à Versailles, est en effervescence.

Le 18 mars, sur décision de Thiers, les canons ayant servis à la défense de Paris sont retirés de Belleville, où ils étaient entreposés. C’est l’étincelle. Les deux généraux chargés de l’opération sont massacrés par leurs troupes. Des élections sont organisées le 26 mars : Paris devient une « Commune révolutionnaire » qui n’a aucun compte à rendre au gouvernement versaillais.

Le gouvernement de la Commune manque de légitimité : à peine 45% des inscrits votent, et le petit quart d’élus modérés, Jules Méline en tête, démissionne immédiatement. Les socialistes révolutionnaires (proudhoniens, marxistes et blanquistes), ultra majoritaires, se mettent immédiatement à l’œuvre. Le drapeau rouge est instauré, la séparation complète de l’église et de l’Etat votée. On se prononce en faveur d’une « liberté d’expression sans contrôle », le travail de nuit est interdit, les ateliers sont autogérés. L’assemblée municipale propose à la France un nouveau système, basé sur « une association libre et volontaire des communes de France pour former une République fédérale ».

Thiers, d’abord désemparé, réagit avec vigueur. Il a reçu le soutien officiel de grandes figures républicaines (comme Ferry ou Gambetta) et Bismarck a accepté de libérer 170 000 prisonniers de guerre pour mater la révolte. Les 30 000 gardes républicains de Paris, dirigés par le général Dombrowski, mal équipés et sans entrainement, n’ont aucune chance. 8 jours suffisent pour que Paris tombe, c’est la célèbre « semaine sanglante ». Les historiens estiment à 20 000 le nombre d’exécutions sommaires (chiffre auquel il faut donc ajouter les victimes directes des combats). Les communards, eux, exécutent plus de 50 otages, dont l’archevêque de Paris. La répression judiciaire qui suivra, colossale, décapitera le socialisme français pour 10 ans.

La commune aura tenu 6 semaines.

Par cette répression, la nouvelle république prouve que le spectre de la Terreur n’a plus à hanter la France. Preuve est faite que Paris n’imposera plus ses vues à tout le pays, et que le système républicain peut être conservateur (pour reprendre les mots de Thiers, « la République sera conservatrice ou ne sera pas »). La République, jusque là idée de gauche, devient véritablement un système, qui, modéré, peut embrasser toutes les tendances politiques en son sein, rassurant ainsi la majorité rurale et assurant la pérennité d’une constitution qui durera 70 ans.

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