Ex-monde socialiste

1991, année zéro pour l’Asie centrale

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Les anciennes élites soviétiques ont conservé leur pouvoir en Asie centrale après les indépendances, comme ici Nursultan Nazarbayev, ancien Secrétaire général du Parti Communiste de la RSS du Kazakhstan, qui préside le pays depuis 1991.
Les anciennes élites soviétiques ont conservé leur pouvoir en Asie centrale après les indépendances, comme ici Nursultan Nazarbayev, ancien Secrétaire général du Parti Communiste de la RSS du Kazakhstan, qui préside le pays depuis 1991.

Au lendemain de l’implosion de l’Union soviétique, les républiques d’Asie centrale recouvrent leur souveraineté mais à la différence des pays d’Europe de l’est, elles héritent de réseaux routiers incomplets, de fortes inégalités de population entre espaces et de tensions sur les ressources en eau et en énergie. Les problématiques économiques et sociales qui en découlent, parfois accompagnées par la résurgence du sentiment religieux, font de l’indépendance un défi pour ces jeunes états durant toute la décennie 1990.

Les indépendances sont proclamées en Asie centrale durant l’année 1991, sur les décombres de l’Union soviétique qui est sur le point de disparaître. Les frontières entre ex-Républiques socialistes soviétiques d’Ouzbékistan, du Kazakhstan, du Turkménistan, du Tadjikistan et du Kirghizistan deviennent ainsi des frontières étatiques et les pouvoirs régaliens sont transférés de Moscou aux capitales locales. L’indépendance a d’abord des conséquences démographiques : l’immigration russe, qui avait duré des décennies jusqu’à bouleverser complètement les équilibres linguistiques et ethniques de la région (par exemple au sein de la RSS du Kazakhstan, les Kazakhs turcophones étaient devenus minoritaires face aux russes en 1970), va s’inverser fortement avec un exode massif des russes et ukrainiens durant les années 1990. Cette chute relative de la population slave orthodoxe d’Asie centrale au profit des populations d’origine turque (sauf au Tadjikistan qui appartient à la sphère culturelle persane) va entraîner une modification des lignes de force religieuses. La part des musulmans – majoritairement sunnites – dans la population après des décennies de persécutions sous le régime soviétique ne cesse de croître et des centaines de mosquées sont édifiées dans les années qui suivent les indépendances. Cette « résurgence du fait religieux », nouveau facteur géopolitique qui avait été relativement effacé sous domination soviétique a suscité de nombreuses réactions de la part des nouveaux chefs d’Etat et des autorités russes : le spectre de l’extrémisme pour les gouvernements locaux et d’une diagonale islamique sur sa marge sud pour la Russie ont entraîné un net tournant répressif et laïque de la part des gouvernements en place au milieu des années 1990 (interdiction du prosélytisme et de l’habit ecclésiastique en Ouzbékistan), appuyé par des accords de sécurité avec le voisin russe.

Mais le défi majeur des nouveaux états indépendants d’Asie centrale fut surtout de répondre à un manque chronique d’infrastructures hérité du schéma d’aménagement soviétique, aux tensions sur les ressources en eau et au peu de diversification d’une économie gangrenée par la corruption.

Car la conception de l’économie au lendemain des indépendances reste largement dominée par un paradigme soviétisant caractérisé à la fois par la prédation de l’Etat sur les ressources nationales dont le corollaire est une corruption largement répandue parmi les élites politiques (souvent d’ex-« barons rouges »), mais aussi par des entreprises non rentables sous perfusion d’argent public. De plus l’enclavement de certaines régions, provoqué par des tracés routiers remontant à l’époque soviétique où  la zone était considérée comme un même espace  (par exemple les routes pour relier le Nord et le Sud du Turkménistan évitaient le désert du Karakoum en passant par le territoire de ce qui est aujourd’hui l’Ouzbékistan), induit des inégalités criantes de développement entre les territoires au sein des pays d’Asie centrale.

Cette « crise des indépendances », qui conjugue enjeux sociaux, politiques et économiques est ressentie par l’ensemble des ex-RSS d’Asie centrale durant la décennie 1990 et ses effets se font encore sentir aujourd’hui. Loin d’être surmontée, elle influence encore les équilibres et grands enjeux de cet espace en restructuration.

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