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Le néoconservatisme américain

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Le néoconservatisme, courant de pensée politique apparu aux Etats-Unis dans les années 1960, est à l’origine loin de constituer cette force idéologique républicaine de premier ordre qui va largement peser sur l’entrée en guerre de l’Amérique en Irak en 2003.

Irving Kristol, père du mouvement néoconservateur, fut salué à sa mort comme l'un des intellectuels les plus influents du XXème siècle.
Irving Kristol, père du mouvement néoconservateur, fut salué à sa mort comme l’un des intellectuels les plus influents du XXème siècle.

En effet, les précurseurs du mouvement sont même souvent des intellectuels de gauche ayant parfois eu des liens avec le trotskisme – comme Irving Kristol -, qui vont peu à peu se détourner de l’idéologie libérale dans les années 1960 devant le net virage à gauche de celle-ci. Refusant la nouvelle primauté des questions identitaires – revendications des minorités – sur les questions sociales traditionnelles et l’infléchissement de l’action fédérale vers un égalitarisme considéré comme une perversion des idéaux du New Deal, les néoconservateurs vont fustiger le relativisme moral et trouver dans la philosophie de Léo Strauss des fondements théoriques solides. Ce ne sont pas des « conservateurs » traditionnels  – qui constituent un mouvement à part – mais bien des « nouveaux conservateurs », revenus de la gauche et encore membres du Parti Démocrate, qui sans remettre en question l’Etat Providence, nuancent les bénéfices de ses interventions et appellent à la prudence dans l’action publique.

Mais c’est bien dans un contexte de guerre froide et dans le champ de la politique étrangère que le mouvement néoconservateur va avoir l’influence la plus forte sur les milieux dirigeants américains.

Les « néocons » fustigent sévèrement les politiques de détente avec l’Union soviétique, l’ «empire du mal » dont on ne doit pas s’accommoder mais bien provoquer l’effondrement, et insistent sur l’importance d’une hausse continue des budgets militaires, considérant le « hard power » comme une donnée clef des relations entre puissances. Déçus par l’attitude de Carter face à l’Union Soviétique, la plupart des démocrates néoconservateurs rallient le camp de Ronald Reagan en 1980 et vont contribuer à l’élaboration de ses grandes orientations de politique étrangère : intransigeance face à l’URSS, soutient actif aux démocraties dans le monde et aux mouvements anticommunistes dans la sphère d’influence socialiste. Appuyés d’une part sur un large réseau de revues et de think-tanks influents, et d’autre part sur une idéologie trouvant de nombreux échos parmi la population américaine – refus du déclin, paradigme bipolaire, culture de l’exceptionnalisme et du messianisme – les néoconservateurs vont savoir adapter leur doctrine après la chute du mur de Berlin et même accroître leur influence. Après la parenthèse Clinton, les néoconservateurs du « troisième âge » (selon le mot de Justin Vaïsse), dont les représentants les plus célèbres sont Robert Kagan et Paul Wolfowitz, vont revenir au pouvoir durant le mandat de George W. Bush et seront les plus ardents promoteurs de l’intervention en Irak en 2003.

L’échec de cette dernière et l’élection du démocrate Barack Obama en 2008 ont-ils sonné le glas du néoconservatisme comme l’annonce  Marie-Cécile Naves dans son ouvrage « La fin des néoconservateurs ? » en 2009 ? Rien n’est moins sûr, puisque le mouvement conserve une influence certaine dans le débat de politique étrangère aux Etats-Unis tant au sein du Parti Républicain qu’au-delà, séduisant encore une large frange de la population américaine effrayée par l’idée du « déclin » de leur pays.

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