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Russie-Iran, véritable union ou alliance de façade ?

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Alors que l’Iran a été, durant trente-cinq ans, placé parmi les grands opposants du monde occidental, son changement diplomatique l’a fait entrer dans le rang. Tout le contraire de la Russie, désormais objet de sanctions internationales. Cependant, il y a bien plus qu’un rejet de la domination occidentale qui rapproche ces deux Etats.

Rohani et Poutine sont-ils capables de pousser l'entente plus loin que le seul conflit syrien ?
Rohani et Poutine sont-ils capables de pousser l’entente plus loin que le seul conflit syrien ?

Il fait peu de doute dans l’esprit des observateurs que la Russie a été la seule à continuer à soutenir l’Iran en pleine vague de sanctions économiques étrangères. Son rôle dans le développement (avorté ?) d’une puissance nucléaire iranienne n’est plus à nier, puisque nombre de scientifiques russes ont collaboré à la construction et au fonctionnement de sites nucléaires, comme à Bouchehr. Néanmoins, même sous la direction de M. Ahmadinejad, les relations russo-iraniennes n’étaient pas non plus au beau fixe. La Russie n’a pas mis son veto à la poursuite des sanctions occidentales contre l’Iran, et pour l’état-major iranien, l’avancée de leur programme nucléaire a toujours été perçue avec dédain par leurs homologues russes.

L’arrivée d’H. Rohani, conjuguée à une diplomatie iranienne plus réaliste, a surpris les Russes. C’était en 2014, au moment où la Russie subissait les foudres de la communauté internationale pour son action en Ukraine. Poutine aurait bien eu besoin d’un allié iranien pour rallier à sa cause tous ceux qui trouvaient ces sanctions injustes : Rohani ne le fut pas. Pire, l’accord sur le nucléaire iranien semble avoir retiré l’Iran de la liste des « ennemis » de l’Occident, ce qui laissa Poutine bien seul dans sa construction d’une alternative aux Occidentaux. Des questions se posent même sur l’utilité de la Russie dans les négociations nucléaires tant l’Iran semble prêt à faire des efforts tout seul, sans pression russe. Aujourd’hui, la Russie n’est qu’un pays de plus voulant profiter de la réouverture de l’Iran pour conquérir des marchés. La vente de missiles S-300 par la Russie, reportée depuis cinq ans, a cependant été conclue en décembre 2015 et montre qu’au moins sur l’armement, l’Iran poursuit un partenariat fructueux avec la Russie.

La Syrie, seul trait d’union entre deux puissances trop vite rapprochées

Mais ce qui rassemble le plus les deux pays aujourd’hui est, sans conteste, l’avenir d’Al-Assad en Syrie. Défenseur du rais syrien de la première heure, l’Iran a fourni financements, conseils techniques et militaires au régime, notamment au début des troubles. Depuis l’intervention étrangère, c’est la Russie qui prend le relais. La tournure récente des événements, avec notamment une intervention conjointe des forces armées occidentales et russes en Syrie, fait penser que l’alliance russo-iranienne, timide au début, aura les clés de la Syrie post-guerre civile et probablement post Al-Assad.

Néanmoins, Russie et Iran ne sont, à ce jour que des alliés de façade, à cause d’un certain nombre de limites. La Russie n’a guère l’envie pour le moment d’être l’alliée du chiisme contre les sunnites du Golfe, surtout lorsque 10% de la population russe est sunnite. De son côté, l’Iran souhaite une relation bien plus mesurée et ouverte avec l’Occident que la Russie ne le souhaite. L’accord sur le nucléaire montre d ‘ailleurs une volonté de l’Iran de se diversifier vis-à-vis du partenariat russe. Sur la question syrienne, le risque est marqué qu’une éventuelle survie du régime soit préemptée par l’un des deux pays. L’Iran a été le principal soutien du régime de 2011 à 2015, avant que la Russie n’interfère complètement dans la guerre civile. Le sort à moyen terme d’Al-Assad divise également les deux pays : alors que l’Iran fait des alaouites (branche du chiisme) sa porte d’entrée en Syrie, la Russie semble prête à évoquer un futur plus proche sans Al-Assad. Cela aura des conséquences directes sur la politique énergétique des deux pays : l’Iran pourrait enfin mettre sur pied son projet de pipeline jusqu’à la Méditerranée, passant donc par la Syrie, qui pourrait entrer en concurrence avec les multiples pipelines russes érigés au sud du Caucase.

Ainsi, alors même que c’est le conflit syrien qui a véritablement rapproché la Russie et l’Iran, c’est ce même conflit qui fait apparaître les limites d’une véritable alliance. Et ce, alors même les objectifs régionaux, voire mondiaux, des deux pays semblaient assez proches.

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