Tiers-Monde et émergents

La libéralisation latino-américaine depuis la fin de la Guerre Froide (1/2)

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L’Amérique Latine des années 1970-1980 était majoritairement administrée par un système  d’Etat fort, un service public omniprésent mais inefficace, et encore trop peu ouverte aux échanges mondiaux. La fin de la Guerre Froide et la généralisation des modèles libéraux dans les pays occidentaux ont précipité la chute de ce système, et la transition vers des économies plus libérales.

A. Pinochet, instigateur de la vague néolibérale en Amérique Latine
A. Pinochet, instigateur de la vague néolibérale en Amérique Latine

Le pays précurseur de cette libéralisation forcée fut le Chili, à partir des années 1980. Le régime Pinochet, lié aux Etats-Unis, a détricoté les réformes socialistes d’Allende en appliquant les principes de « l’école de Chicago », fondés sur une ouverture aux investissements étrangers, une modération des déficits budgétaires et des privatisations.  Le reste du continent suivit, avec l’ouverture commerciale et financière comme axe prioritaire. Les limitations habituelles au commerce, comme les quotas d’importation ou les tarifs douaniers, ont été rapidement réduits.

En parallèle, afin de raccrocher les wagons avec le voisin américain, plusieurs pays du continent ont souhaité dollariser leurs économies, les autres optant pour un taux de change flottant, dans la plus pure logique libérale. Ainsi le Panama et l’Equateur utilisent ouvertement le dollar, tandis que d’autres pays, comme l’Argentine, font coexister le dollar avec leur monnaie nationale. L’attractivité financière est décuplée, puisque les investisseurs internationaux estiment le dollar bien plus gage de stabilité qu’une monnaie nationale bien fragile.

Enfin, face à un système public que les libéraux jugeaient sclérosé, des privatisations massives, l’abandon de diverses subventions ainsi que des coupes budgétaires importantes ont été réalisés. Les privatisations ont ramené des revenus conséquents aux Etats (on estime qu’entre 1990 et 1994, plus de 700 processus ont eu lieu), majoritairement dans les télécommunications, la finance et l’énergie. Les taux de croissance ont été positifs à très court terme et les entreprises privatisées ont été rapidement plus efficaces, avec néanmoins quelques dérives, obligeant de temps à autre le soutien de l’Etat.  Les plus grandes mutations ont affecté le secteur bancaire, sinistré dans de nombreux pays du continent par les crises des années 1980. Le secteur s’est ainsi ouvert aux grandes banques internationales, dont la part de marché s’est rapidement développée, notamment au Mexique et en Argentine.

Néanmoins, ces trois pans de réformes se sont accompagnés d’effets indésirables. L’ouverture a été jugée trop brutale et rapide. Un tel bouleversement pour des économies encore très marquées par le sceau de l’Etat a fortement touché divers secteurs, comme l’agriculture, mais également les petites industries, incapables de rivaliser en coût et en qualité avec la concurrence internationale. Ces mêmes secteurs ont également été touchés par les vagues de privatisation, Par ailleurs, la dollarisation des économies du continent, certes non généralisée, a dû s‘accompagner d’une rigueur budgétaire afin de la garantir durablement, les dévaluations n’étant bien évidemment pas permises par un tel système.

La contestation pour dénoncer ces trois grands pans néolibéraux n’a pas tardé à se développer. Elle s’est principalement axée sur la dénonciation de mesures ravageant l’économie locale pourvoyeuse d’emplois pour les plus démunis. Les arguments nationalistes ont également été évoqués, pour lutter contre une ouverture des secteurs les plus stratégiques à la concurrence et aux capitaux étrangers. Les remous ont ainsi été nombreux au début des années 2000 en Bolivie, qui voulait privatiser le secteur gazier, au grand dam d’organisations paysannes et socialistes. Cela s’est traduit par une instabilité politique chronique, jusqu’à l’élection d’Evo Morales, l’un des fervents thuriféraires du projet de privatisation du gaz.

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