La République Arabe Unie : origine et déclin, entre mythe et réelles influences
La République Arabe Unie a été créée en 1958 sous l’égide du parti Baas et de son fondateur Michel Aflak ainsi que de Nasser, alors président de l’Egypte. Cet immense territoire de 1 186 630 km² naquit de l’union de l’Egypte et de la Syrie, notamment pour parer à la menace communiste et à l’influence américaine, une quinzaine d’années après la seconde guerre mondiale, alors que les tensions entre les deux blocs étaient à leur maximum.
Ainsi, Michel Aflak craignant le péril communiste, ainsi que l’axe hachémite de ses voisins Irakien et Jordanien pro-américains, y voit une occasion d’accéder à l’objectif du parti Baas (Hizb al-Ba’ath al-Arabi al-Ishtiraki : le parti de la Résurrection arabe et socialiste) unifier le monde arabe en un seul état socialiste, nationaliste pan-arabe, souverain et libéré de toute influence aux relents post-coloniaux. Nasser, chef d’Etat socialiste, va exiger un Etat fort, centralisé, avec un passage au parti unique et à l’armée syrienne dépolitisée. M. Aflak va négocier avec le président de la république, Shukri al-Kuwatli et de son premier ministre Sabri Assali, alors que lui même doute de la capacité de Nasser à mener à bien cette mission. Les dirigeants vont accepter cette union, elle passera en référendum à 92% en Syrie.
Face à l’axe hachémite de la Jordanie et de l’Irak, qui étaient pro-américains, les Syriens vont se tourner vers l’Egypte. En 1955, les deux pays signent un traité d’alliance. Le 22 février 1958, un référendum va porter Nasser au pouvoir, des émeutes éclateront en Irak, appelant à la fin du Pacte de Bagdad et à l’intégration de l’Irak dans la jeune République. Le Liban va lui aussi vouloir rejoindre la RAU et Camille Chamoun va violer la constitution pour briguer un second mandat, faisait éclater des affrontements dans le pays et laissant s’exprimer les tensions communautaires. En Irak, la jeune république va conclure des accords avec Nasser en vue de l’adhésion de ce pays. Dès octobre 1958, des accords économiques, scientifiques et culturels sont conclus. Mais ne voulant pas abandonner le pouvoir, le général Kassem s’éloigne de l’Égypte pour se rapprocher de l’Union soviétique.
La bureaucratie égyptienne étouffe par sa présence l’administration syrienne qui se sent rapidement annexée, le parti Baas va finir par remettre en cause la véritable volonté pan-arabique de Nasser.
L’autoritarisme du régime de Nasser entraîne la fuite vers l’étranger des grandes familles syriennes, La Syrie va connaitre alors de grandes difficultés économiques.
Trois sécheresses consécutives vont advenir, tuant pour de bon tout espoir de redressement de la Syrie, les impôts et les prix vont augmenter, le mécontentement populaire commence à se faire entendre.
Le nouvel État ressemble de plus en plus à une grande Égypte, entièrement régentée par le Caire. La Syrie se sentant colonisée un nouveau coup d’État militaire, mené par Haydar al-Kouzbari, éclate en Syrie en 1961, mettant fin à la république le 29 septembre de la même année.
On peut analyser caricaturalement l’échec de la République Arabe Unie sous deux grands angles :
– Un manque de moyens : Nasser, chantre du panarabisme, a voulu fédérer le monde arabe autour de son Egypte, alors qu’elle n’en avait pas les moyens économiques et financiers. Le panarabisme qu’elle a voulu imposer manquait d’une puissance militaire et diplomatique que l’Egypte n’a jamais su véritablement incarner.
– Un manque de démocratie : Nasser a imposé l’hégémonie Egyptienne dans l’administration et l’économie et un système de parti unique, l’Union Nationale, fondé dans la précipitation, autoritaire, gouvernant “d’en haut”, Aflak dénonçait cet éloignement du peuple, qui finira par causer la disparition de la RAU en 1961.
L’influence du panarabisme nassérien fut prégnante dans l’articulation des relations internationales de la fin du XXème et du début du XXIème siècle en Afrique et au Moyen-Orient. De Khadafi à Sadam Hussein en passant par la famille Assad, nombre de dirigeants arabes et africains ont été influencés, voir parfois ont contribué à l’érection d’un nationalisme arabe. Khadafi se tournera vers l’Afrique sub-saharienne, Assad vers ses voisins chiites/alaouites, Hussein sera proche de certains dirigeants du Magrheb et plus généralement des sphères baasistes. Cette idée de fierté arabe est encore aujourd’hui utilisé par de nombreux dirigeants, et sa force est d’ostraciser la confession religieuse pour fonder son identité sur l’attachement à la terre, qui s’avère aujourd’hui être une arme puissante pour contrer l’emprise intellectuelle islamiste dans la région.
Pour aller plus loin :
https://les-yeux-du-monde.fr/ressources/24395-sunnites-chiites-quelles-differences
Les relations saoudo-égyptiennes post-Printemps Arabe : vers un raidissement bilatéral ?