Néonationalisme et guerre des clans en Russie
Presque coup sur coup, Vladimir Poutine vient d’accuser Hillary Clinton de soutenir les opposants russes et a menacé de contrer le programme de bouclier anti missile de l’OTAN en Europe. C’est un signal clair envoyé par le récent vainqueur des législatives : le nationalisme russe devient de plus en plus un anti occidentalisme.
Deux clans se partagent le pouvoir en Russie. D’un côté, les Libéraux, dont le leader est Vladislav Sourkov, et de l’autre, les Siloviks, menés par Igor Setchine. Les libéraux veulent la modernisation de l’économie russe par la réforme du système éducatif, le développement des hautes technologies et une place importante accordée aux investisseurs étrangers. Pour eux, il faut sortir de l’économie de rente pour devenir un acteur majeur des échanges mondiaux. Au niveau politique, les Libéraux sont partisans d’une démocratisation limitée, d’une lutte contre la corruption et d’un rapprochement avec l’occident en général et l’Europe en particulier (tout en souhaitant que la Russie retrouve son statut de grande puissance).Ils s’appuient, entre autres, sur le géant du gaz Gazprom, et sur le GRU (direction des services de renseignement), les services secrets de l’armée.
A l’inverse, les Siloviks prônent un développement économique par l’exploitation des matières premières et le renforcement du complexe militaro industriel (d’où le rapprochement avec des pays comme le Venezuela ou l’Iran, bons clients de l’industrie russe de l’armement).Ils sont des nostalgiques de la puissance soviétique : sans être idéologiquement communistes, ils considèrent que la Russie doit être un rival géopolitique de l’occident. Inutile de préciser qu’ils soutiennent la « manière forte » dans la conduite des affaires intérieures… Dans leur lutte d’influence contre les libéraux, ils peuvent compter sur le contrôle de la compagnie pétrolière Rosneft, du complexe militaro-industriel et de l’héritier du KGB, le FSB.
Jusque là, Vladimir Poutine s’était placé en arbitre entre les deux clans, tout en faisant clairement comprendre qu’il était le seul détenteur du pouvoir suprême : Boris Berezovski, en exil à Londres, et Mikhaïl Khodorkovski, actuellement en prison, peuvent en témoigner.
Face à ces « sorties » anti occidentales, on peut s’interroger : M. Poutine pencherait-il du côté des Siloviks nationalistes ? Il semblerait plus vraisemblable qu’il cherche d’avantage à rétablir l’équilibre entre les deux clans.
En effet, les Libéraux ont depuis quelques années pris un relatif ascendant sur les Siloviks : selon le spécialiste de la Russie Viatchelav Avioutskii « les libéraux disposent aujourd’hui de ressources mieux organisées et plus fortes que celles mobilisables par les Siloviks ». De plus, l’élection du libéral Dimitri Medvedev à la présidence a bien sur été un signal fort. Vladimir Poutine fait donc un geste pour rétablir un tant soit peu l’équilibre en prenant parti pour l’un des deux camps. Ce geste est d’autant plus limité que libéraux et Siloviks se rejoignent sur une idéologie nationaliste largement dominante dans la Russie de Vladimir Poutine. Les libéraux veulent juste ne pas faire rimer nationalisme avec anti occidentalisme.