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Donald Trump est-il si différent de ses prédécesseurs ?

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Pas un jour ne passe sans que les actions et les paroles du président américain, Donald Trump, ne soient tournées en dérision sur les réseaux sociaux. Donald Trump est-il cependant si différent de ses prédécesseurs ? Cette question peut d’emblée paraître provocatrice tant Donald Trump est critiqué, en Europe notamment. Par ailleurs, la réponse à cette question ne serait sans doute pas la même selon si l’on évoque la politique intérieure ou extérieure des États-Unis. Bien que digne d’intérêt nous n’aborderons pas la première. En revanche, du point de vue de la politique extérieure, Donald Trump n’est pas si différent de certains de ses prédécesseurs. Il fait ainsi partie de ces présidents américains, qui ont souhaité renforcer leurs intérêts et ceux de leurs alliés au détriment de la paix et de la stabilité internationale. Le précédent à avoir mené ce type de politique n’était autre que George W. Bush.

Une politique américaine « classique »

Depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, le président américain a dans sa ligne de mire deux adversaires principaux : l’Iran et la Chine. Au Moyen-Orient, Trump a renoué avec les fondamentaux de la diplomatie américaine. Le soutien de ses alliés saoudiens et israéliens face à l’Iran. Il s’est ainsi placé en rupture avec la politique de B.Obama, puisqu’il décidait en mai 2018 de sortir du JCPoA, l’accord sur le nucléaire iranien. L’objectif affiché étant de refaire pression sur Téhéran et notamment sur son économie. L’administration américaine espère ainsi soulever la population iranienne contre le régime des Ayatollah. Pour le moment, cette politique visant à moyen terme un « regime change » est un succès puisque l’économie iranienne est en grande difficulté et sa monnaie s’est déjà effondrée. Reste à savoir si la population se retournera contre l’État iranien et comment celui-ci réagira. Cette politique de sanction ressemble à celle mise en place par l’administration Clinton au milieu des années 1990 contre l’Iran et contre la Corée du Nord sous G. W. Bush et contre la Russie sous Obama. Pour des raisons différentes certes, mais avec ce même objectif d’affaiblir économiquement des gouvernements hostiles.

Le deuxième front engagé par les États-Unis de Donald Trump est celui de « sa guerre commerciale » menée contre Pékin depuis le début de l’année 2018. L’objectif étant de réduire l’ascendant économique et commercial chinois sur les États-Unis. Des mesures contestables prises par Washington, mais qui répondent à une promesse de campagne de Donald Trump : affaiblir la Chine afin qu’elle ne devienne pas l’égal des États-Unis. Là encore la politique de Trump fonctionne en partie, puisque Pékin vend depuis plusieurs mois ses parts de dette américaine.

Donald Trump et le décret rejetant l’accord sur le nucléaire iranien en mai 2018

L’unilatéralisme, leitmotiv de Donald Trump

Il y a également des paradoxes dans la politique de Donald Trump, pourquoi chercher une solution à l’affaire nord-coréenne et torpiller au même moment les accords sur le nucléaire iranien ? La première réponse à cette question serait la volonté d’affaiblir l’adversaire chinois en se rapprochant de Pyongyang et de renforcer ses alliés saoudiens et israéliens en marginalisant l’Iran. Une deuxième réflexion est possible et elle tient plus à la posture du président américain, celle de l’unilatéralisme. Être seul quand il s’agit de trouver un dénouement à un conflit qui dure depuis près de 70 ans. Être seul aussi pour détruire un accord qui a mis plus de deux années à être signé ou pour transférer l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem. Ceci explique aussi cette volonté isolationniste et son mépris pour le multilatéralisme.

Les conséquences de cette politique

Les conséquences de cette politique sont bien sûr nombreuses. Tout d’abord, la première conséquence est une nouvelle phase d’isolationnisme américain inédite depuis la Seconde Guerre mondiale. Cet isolationnisme politique est en particulier le fruit d’une mésentente entre européens et américains. L’influence de l’Europe en est elle-même atteinte, malgré une économie puissante, sa diplomatie reste affaiblit (en comparaison de Washington) au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique. Enfin, la conséquence la plus importante concerne le nouveau « coeur de la planète », l’Asie, où plusieurs puissances régionales se rapprochent à l’image de la Russie et la Chine depuis 2014. La Russie et l’Inde viennent également de signer des contrats pour la livraison de système de défense antiaérien S-400 russes à hauteur de 5,4 milliards de dollars. Une signature indienne qui va pourtant à l’encontre des sanctions américaines contre Moscou. Cette situation peut étonner, puisque l’Inde est un partenaire des États-Unis face à la Chine. Les puissances asiatiques semblent ainsi vouloir se défaire peu à peu de la tutelle américaine dans la région. Cette entente intra-asiatique, si elle se confirme, aura pour conséquence de bouleverser les équilibres économiques mondiaux.

L’Europe, victime des décisions de Trump

Si la présidence de Donald Trump a accentué le discours anti-américain dans le monde, celui-ci ne date pas de 2016 et est croissant depuis le début des années 2000. Si la période Obama a fait office de « pause », les courants anti-américains n’ont cessé de prendre de l’ampleur, en Russie, au Moyen-Orient et en Asie depuis l’ère Bush (2000-2008). L’unilatéralisme américain, lui non plus, n’est pas né avec Donald Trump, cette préoccupation est constante pour les administrations américaines successives. Ainsi, si Trump est présenté comme un dirigeant iconoclaste en Europe, ses positions internationales sont dans la lignée de la pensée républicaine classique. Elles reflètent les aspirations de son électorat et celles d’une partie des élites politiques américaines. Aujourd’hui, c’est bien l’Europe qui est la première victime de cette diplomatie, car empêtrée dans ses affaires internes et dans son face-à-face avec la Russie, l’UE ne peut plus vraiment compter sur son allié historique. Son basculement géopolitique vers l’Est est retardé, tandis que Moscou semble obtenir de véritables gains politiques et économiques en Asie.

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Fabien HERBERT

Fabien Herbert est Président des Yeux Du Monde et rédacteur géopolitique pour l'association depuis mars 2016. Formé à l’Université Catholique de Louvain, Fabien Herbert est journaliste et analyste spécialisé en relations internationales. Il s’intéresse notamment au monde russophone, au Moyen-Orient et à l'Asie du Nord-Est.

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