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Après l’attaque de Peshawar, quelle stratégie pour le Pakistan ?

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Arrivée de l'armée pakistanaise sur les lieux de l'attaque à Peshawar
Arrivée de l’armée pakistanaise sur les lieux de l’attaque à Peshawar

En réponse à l’offensive menée par l’armée pakistanaise au Waziristan depuis juin 2014, les Talibans pakistanais ont attaqué une école gérée par l’armée à Peshawar le 16 décembre. D’une ampleur inédite (141 morts dont 132 enfants) cette attaque vivement été condamnée par la communauté internationale remet le conflit interne pakistanais sous les feux de l’actualité.

Malgré les tentatives de pourparlers de paix engagés en février 2014, l’armée pakistanaise mène depuis juin 2014 l’offensive Zar-e-Azb (« attaque de l’épée du prophète » en ourdou) au Nord-Waziristan, afin de lutter contre le terrorisme. Le Waziristan est la principale base arrière régionale de groupes djihadistes pakistanais et étrangers menant des attaques en Afghanistan, en Inde et en Asie centrale. Ces zones tribales situées à la frontière de l’Afghanistan constituent à la fois un enjeu majeur pour le gouvernement pakistanais et la sécurité à l’échelle régionale. En s’attaquant à ces sanctuaires montagneux le gouvernement de Nawaz Sharif marque un tournant dans la lutte nationale contre les Talibans et illustre sa détermination à  mettre fin à cette guerre civile qui a fait plus de 50 000 morts à ce jour. Le groupe à l’origine de l’attaque le Tehreek-e-Taliban (TTP) est en guerre contre le gouvernement depuis 2007. Ce dernier est accusé de « bafouer l’islam » et de soutenir les Etats-Unis.

Dépasser l’approche sélective et nationale pour répondre à l’enjeu sécuritaire régional

L’attaque du 16 décembre s’inscrit dans la lutte pour la restauration du contrôle des territoires frontaliers occupés par des groupes disparates mêlant talibans du TTP, dont les actions touchent essentiellement le Pakistan, et talibans opérant avec l’assentiment d’Islamabad en Afghanistan contre son armée ou l’OTAN. Ces représailles, envisagées par le pouvoir qui avait dès cet été les principales villes du pays en état d’alerte maximale, remettent en cause la stratégie pakistanaise longtemps ambiguë et appellent à une nouvelle approche.

En effet, en axant  l’offensive actuelle contre les membres du TTP, désignés comme les « mauvais talibans » alors que des accords ont été passés avec d’autres les « bons talibans » (réseau Haqqani ou groupes de Gul Bahadur par exemple), le pouvoir pakistanais mine la lutte globale contre le terrorisme. Elle tend à être sélective et éloigne la possible pacification des zones pachtounes. Cela est d’autant plus crucial que l’enjeu est également régional. Cette distinction entre les talibans a une incidence stratégique : tandis que les talibans opérant sur le sol pakistanais sont ciblés, ceux opérant dans l’Afghanistan voisin sont tolérés et proches des services secrets pakistanais. Cela empêche une stabilisation de la région et le processus de réconciliation nationale afghan voulu par le président Ashraf Ghani. A cela s’ajoute la représentation de l’équilibre du pouvoir qu’a le Pakistan de la région. Semblant toujours dans la logique d’une doctrine historique lié à ses relations tendues avec l’Inde, ce dernier conçoit Kaboul comme un lieu de rivalité et perçoit son soutien aux talibans afghans comme un moyen de garantir un pouvoir inféodé à Islamabad afin d’y contrer l’influence de l’Inde.

A ce jour, les pistes envisagées après l’attaque de Peshawar sont essentiellement nationales. Le pays a annoncé la levée de son moratoire sur la peine de mort dans les affaires de terrorisme et une réunion de haut niveau réunissant le gouvernement et les plus grands partis politiques se tiendra prochainement. Le renforcement de l’opération Zar-e-Azb est également évoqué. Une dynamique bilatérale, voire régionale, gagnerait à être envisagée dans la perspective du départ des forces de l’OTAN et du vide stratégique à venir, dont pourrait profiter les mouvements insurrectionnels locaux.

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