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Vers une régionalisation de la lutte contre Boko Haram ?

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Les rues de Maïduguri suite à l'attaque du 2 février
Les rues de Maïduguri suite à l’attaque du 2 février

Tandis que les élections présidentielles nigérianes se tiendront le 14 février prochain, les actions du groupe Boko Haram se font de plus en plus menaçantes, au point de susciter une inquiétude sur la tenue des élections à venir.

Le président sortant, Goodluck Jonathan, régulièrement accusé de ne pas avoir lutté efficacement contre ce mouvement qui terrorise le pays depuis le début des années 2000, a échappé à un attentat le 2 février à la suite d’un meeting organisé dans le cadre de la campagne présidentielle à Gombe (nord-est du pays). L’intensification des attaques menées par Boko Haram, à l’exemple de l’attaque perpétrée à Maïduguri, capitale de l’Etat de Borno au nord-est du pays, le 1er février, illustre la volonté du groupe d’asseoir son contrôle sur une partie du territoire, et plus largement sur l’orientation politique du pays. L’attaque de Maiduguri n’est pas anodine. En effet, cette ville, berceau de Boko Haram constitue un enjeu électoral en ce qu’elle rassemble près d’un million et demi de personnes : limiter la capacité de ses habitants à voter affecterait la crédibilité du scrutin à venir. Boko Haram se pose ainsi en arbitre électoral entre le président sortant, chrétien du Sud, et son opposant Muhamadou Bouhari, musulman du Nord.

Derrière la mobilisation régionale, l’enjeu géoéconomique

Si l’offensive lancée par Boko Haram à Maiduguri été repoussée par l’armée et les forces civiles de défense, une coordination régionale plus poussée semble se mettre en place. En marge du récent sommet de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba une quinzaine de chefs d’Etat se sont réunis afin d’apporter des solutions au problème que constitue Boko Haram. Des effectifs nigérians, tchadiens, camerounais, nigériens et béninois constitueront ainsi une force de 7500 hommes. De même, le Conseil de Sécurité des Nations Unies devrait prochainement être sollicité afin d’apporter une aide logistique et financière aux actions menées par l’UA, à travers un fonds spécial par exemple. Le Tchad, particulièrement impliqué dans la lutte contre Boko Haram s’est engagé sur le terrain dès mi-janvier en effectuant des opérations au Cameroun en réponse à une demande du président P. Biya et afin de reconquérir la ville de Baga. Cette ville devait prochainement accueillir une force multinationale regroupant le Tchad, le Niger et le Nigeria (Multinational Joint Task Force, MJTF) chargée de lutter contre Boko Haram. En s’emparant de cette ville, le groupe Boko Haram semble être apte à déstabiliser plus amplement la région, alors qu’elle agit déjà au nord du Cameroun. C’est à l’aune de cette menace qu’il faut apprécier l’engagement tchadien, qui revêt également des aspects économiques. L’intervention tchadienne vise entre autres à sécuriser les axes de circulations essentiels pour le Tchad, notamment transfrontaliers, alors que la chute du cours du pétrole et la déstabilisation des pays voisins (Centrafrique, Libye) affecte de plus en plus son économie. L’intensification des actions de Boko Haram et l’insécurité liée a fortement réduit, voire stoppé, le commerce entre le Nigeria et le Tchad. En effet la modification des itinéraires d’échanges de biens de consommation, devant désormais passer par le Niger, a généré une hausse des coûts de transport et ainsi des prix à la consommation. L’intervention au Cameroun se situe dans la même logique, l’extension de la zone d’influence de la secte faisait craindre une attaque à l’extrême nord du pays, qui aurait pu conduire à la fermeture de routes transnationales et donc l’accès au port de Douala. Les considérations économiques s’ajoutant désormais concrètement à la menace sécuritaire, la régionalisation des actions de lutte contre Boko Haram pourrait prendre un nouveau tournant.

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