Vers une autonomie de la politique étrangère saoudienne ?
Il semble que le changement de dirigeant à la tête de l’Arabie Saoudite commence à dessiner une véritable accélération des ambitions régionales du Royaume. Etat islamique, rébellion au Yémen, face à face avec l’Iran : ces trois sujets ne sont très probablement qu’un début pour la nouvelle diplomatie saoudienne.
Le début de règne du nouveau roi Salman a été plutôt mouvementé. Au nord, l’Etat islamique met à feu et à sang l’Irak, qui n’a d’autre choix que demander le soutien de l’Iran, ennemi cathartique de l’Arabie Saoudite. Au Yémen, la rébellion houthie a renversé le pouvoir en place historiquement soutenu par Riyad. Les sujets chauds ne manquaient donc pas pour ce début de règne.
Au Yémen, la réponse n’a pas tardé. Le Royaume s’est engagé, avec l’appui d’autres pays sunnites, dans une série d’attaques aériennes unique dans l’histoire récente du pays. L’enjeu est clair : ne pas laisser le pouvoir aux Houthis, soutenus par Téhéran. Ce qui n’était ainsi qu’une nouvelle « Guerre Froide » entre Iran et Arabie Saoudite, par ennemi interposé, à coups de diplomatie et d‘appui financier, se transforme de plus en plus en un conflit direct. Après tout, il fallait bien que les achats massifs d’armement réalisés par Riyad ces dernières années, notamment auprès des Etats-Unis, soient rentabilisés.
La nouvelle garde saoudienne, plus jeune que la précédente (le chef des armées est trentenaire), comprend que le rapprochement Washington-Téhéran n’est pas que de la poudre aux yeux. Et le risque commence à poindre pour que Washington s’éloigne peu à peu de Riyad. L’Iran, autre fois ennemi des Etats-Unis, est désormais un pion essentiel dans la lutte contre l’Etat Islamique. Mais pour l’Arabie Saoudite, rien n’a changé : cet Iran veut toujours imposer le chiisme au Moyen-Orient.
Peut-on enfin parler d’indépendance sunnite ?
Ces multiples attaques du front sunnite au Yémen pourraient être un premier pas vers une indépendance militaire au Moyen-Orient. Trop souvent accusée pour sa proximité avec l’Occident, l’Arabie Saoudite, berceau du wahhabisme, restaure-elle par ces actions militaires une forme de « dignité » ? Le rapprochement de Washington avec Téhéran et l’évolution récente du marché pétrolier mondial vont-elles toutes deux contribuer à une véritable entente entre des puissances habituellement concurrentes, comme l’Arabie Saoudite, l’Egypte, voire le Qatar et la Turquie, contre l’Iran ?
En tout cas, le temps presse. Face à la mollesse américaine sur les sujets régionaux (perçue comme telle à Riyad notamment), les sunnites voient l’avancée de l’Iran en Syrie, en Irak, au Liban, et désormais au Yémen. Néanmoins, si rapprochement sunnite il y a, le temps ne semble pas venu pour un désengagement, ne serait-ce que minimum, de l’Occident dans ces conflits. Aucune puissance régionale ne peut se passer de l’appui et de l’armement occidental. Cependant, à moyen terme, c’est tout à fait ce que recherchent les puissances sunnites, et en premier lieu l’Arabie Saoudite. Ses nouveaux dirigeants semblent l’avoir compris, et pensent que la manière forte (l’intervention) sera plus efficace que la diplomatie et l’appui financier à divers groupes. Cela s’avère tout à fait possible, dans une région nulle part épargnée par les contestations et conflits.