Retour sur la scission au sein de Boko Haram
Le sous-secrétaire d’Etat américain pour les Affaires du Proche-Orient, Jeffrey Feltman, a récemment mis en garde le Conseil de sécurité des Nations Unies, quant au risque que représente Boko Haram. Il a souligné que le groupe djihadiste nigérian restait une « menace pour la stabilité de la région ». Il est vrai que depuis 2009, le mouvement insurrectionnel et terroriste fondé par Mohamed Yusuf a fait plus de 20 000 victimes, et a forcé plus de 2,3 millions de personnes à se déplacer. Cependant, à cause de récentes évolutions internes, Boko Haram pourrait être potentiellement affaibli.
Il y a en effet eu du changement parmi les chefs du mouvement. Depuis 2010, Abubakar Shekau était à la tête de Boko Haram. Il est celui qui avait décidé de prêter allégeance à l’État islamique (EI) le 7 mars 2015. Boko Haram était devenu un bras de l’EI, et avait reçu le nom d’État islamique en Afrique de l’Ouest. Ironie du sort, c’est de Raqqa – capitale autoproclamée de l’EI – qu’a émané l’ordre d’écarter A. Shekau, le 2 août 2016. Il a été remplacé par Mosab al-Barnaoui, fils du fondateur de Boko Haram.
Quels éléments ont motivé la décision de l’État islamique ?
Le fait de choisir un nouveau « wali » (gouverneur) pour Boko Haram est lié au fait que A. Shekau était jugé trop radical. Sous sa direction, les chrétiens, mais également les musulmans, étaient visés par des attaques. M. al-Barnaoui a assuré que les musulmans ne seraient pas menacés par Boko Haram. Ce clivage est lié à l’interprétation donnée au principe de « tafkir », catégorisant les non-croyants. Pour A. Shekau, les musulmans qui ne se joignent pas au djihad sont des apostats. Par conséquent, ce sont des ennemis de l’islam qu’il faut éliminer, au même titre que les chrétiens. M. al-Barnaoui a annoncé qu’il tolérerait les musulmans qui ne le rejoignent pas.
Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, A. Shekau a déclaré qu’il n’acceptait pas cette décision de l’EI. Il a alors pris la tête d’une faction, composée de combattants, baptisée « Groupe sunnite pour la prédication et le djihad ». Il a notamment menacé les Nations Unies, les Etats-Unis, la France et l’Allemagne.
Est-ce que cette scission peut représenter un tournant – positif pour la Force multinationale mixte (FMM) – dans la lutte contre Boko Haram ?
Il est vrai que la FMM, qui coordonne l’action de plus de 9000 militaires dans la région depuis mai 2015, pourrait profiter de cet affaiblissement. Cela pourrait même palier au manque de financement souligné par l’ONU en juillet dernier. La nouvelle aide de 50 millions d’euros promise par l’Union européenne suffirait à donner un second souffle aux actions.
Toutefois, Boko Haram, même fragilisé, demeure une menace. Il est possible que les deux groupes s’épuisent à lutter l’un contre l’autre. Cependant, A. Shekau a affirmé qu’il ne combattrait pas directement Boko Haram. Il est donc plus probable qu’ils entrent dans un cercle vicieux de surenchère de la violence. Par exemple, si l’un commet un attentat causant de nombreuses victimes, le deuxième voudra égaler, voire surpasser, son rival.
A première vue il paraît donc précipité de voir d’un bon œil la division du mouvement terroriste nigérian. Les attaques n’ont pas cessé, comme le montre celle ayant eu lieu au Cameroun mi-août. Boko Haram demeure un facteur d’instabilité dans la région.