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Elections anticipées en Turquie, la fuite en avant d’Erdogan

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Contradiction ? Que nenni ! Le 18 avril dernier, le président turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé la tenue d’élections présidentielle et législative anticipées en juin 2018 au lieu de fin 2019. Cette perturbation du calendrier électoral, par un président habituellement attaché au respect de ce dernier, tient avant tout à la volonté de prendre de court l’opposition et de capitaliser sur un contexte économique, politique et géopolitique encore favorable au gouvernement islamo-conservateur.

Des enjeux politiques, économiques et géopolitiques

Le président turc Erodgan et sa principale opposante, Meral Aksener

Le président Erdogan et son Parti de la Justice et du Développement (AKP) sont traditionnellement favorables au respect du calendrier électoral pour renvoyer un signe d’assurance du pouvoir. S’il a décidé de faire exception à cette règle, c’est que l’enjeu est de taille et que l’AKP craint de voir lui échapper ses atouts, s’il attendait jusqu’à fin 2019.

La première raison de ce revirement est politique et tient aux nombreuses conséquences du putsch avorté de juillet 2016. Le maintien de l’état d’urgence jusqu’à l’heure actuelle donne au pouvoir davantage de prise sur le processus politique, les médias, et la société de façon générale. Le gouvernement a ainsi pratiquement supprimé la presse d’opposition. Le dernier épisode en date est le rachat par un proche du pouvoir du consortium médiatique Hürriyet. Enfin, la tenue anticipée des élections permettra d’acter plus rapidement le passage à un régime présidentiel décidé lors du référendum d’avril 2017 et ainsi de renforcer encore le pouvoir du président Erdogan.

Il y a également un enjeu économique derrière cette décision électorale. L’AKP espère bien profiter de chiffres positifs de la croissance (7,4% en 2017), comme lors de précédentes élections. A contrario, le régime ne pouvait se permettre d’attendre que le climat économique se détériore ; inflation à 11%, chute de la lire face au dollar, les signes de surchauffe sont patents. La croissance impressionnante de l’année passée a reposé principalement sur l’intervention de l’État, tandis que le gouvernement s’oppose à un nécessaire réajustement des taux par la banque centrale.

Le dernier élément est géopolitique. Erdogan espère tirer profit du succès de l’intervention armée de la Turquie en Syrie contre les forces kurdes du YPG, allié au PKK (Parti des Travailleurs Kurdes, parti kurde de Turquie considéré par Istanbul comme un groupe terroriste).

Une opposition en mal d’unité

Au-delà de ces éléments qui nourrissent les propositions populistes de l’AKP, Erdogan escomptait mettre en difficulté l’opposition. Le délai très court devrait l’empêcher de s’unir et – surtout – étouffer dans l’œuf la candidature de Meral Aksener, figure montante du nationalisme laïque, et de son nouveau parti, le Bon Parti (Iyi Parti ou IYI). Cette dernière semble actuellement la mieux placée pour vaincre l’inoxydable président turc. Toutefois, si quatre partis laïques, dont IYI et le CHP (kémaliste et social-démocrate), sont parvenus à un accord de coalition en vue des législatives, l’opposition contestera la présidentielle en ordre dispersé. Or, c’est cette dernière qui représente l’enjeu majeur, puisque le vainqueur disposera de très vastes pouvoirs.

Les perspectives de voir l’opposition victorieuse sont minces et même si tel était le cas la situation géopolitique n’évoluerait pas nécessairement. En effet, nationalistes et kémalistes sont aussi anti-kurdes que le gouvernement actuel. Dès lors, un report de voix kurde sur un candidat de l’opposition paraît improbable, ce qui favorise Erdogan. Cette position anti-kurde implique également que la victoire de l’opposition serait loin de sonner la fin de l’intervention turque en Syrie. Les kémalistes ne sont d’ailleurs pas réputés pour leur pro-américanisme prononcé. En revanche, une défaite d’Erdogan pourrait relancer le dialogue avec l’UE. Mais l’enjeu fondamental est intérieur : la victoire d’Erdogan signifierait un recul supplémentaire de la démocratie et de la laïcité. Ce dernier ne peut toutefois se permettre une élection entachée de fraude au risque de perdre sa légitimité chèrement acquise.

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