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Rétrospective 2018 : Les Kurdes syriens, du zénith à l’étau

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Dans la guerre civile qui fait rage depuis 2011, les Kurdes syriens ont réussi à s’imposer peu à peu comme un acteur incontournable, bénéficiant du soutien occidental et tolérés par Damas. Fer de lance de la lutte contre Daesh, maîtres d’un quart du territoire syrien, ils ont résisté jusque-là aux pressions turques. La décision du retrait des troupes américaines les soutenant, annoncée le 19 décembre dernier, place les Kurdes dans une situation des plus délicates, en étau entre les forces turques et celle de Bachar el-Assad et de ses alliés.

Manifestation kurde en soutien à la défense d’Afrin

Depuis l’éclatement de la guerre civile en 2011, la position des Kurdes syriens vis-à-vis du gouvernement syrien a toujours été très ambiguë. Animés d’une volonté d’autonomie toujours niée par la dynastie el-Assad, les Kurdes ont saisi l’opportunité d’un effondrement de l’autorité centrale pour mettre Damas devant le fait accompli. La lutte contre Daesh donne une nouvelle dimension à l’élément kurde. Soutenus par des frappes occidentales puis par la présence au sol d’unités spéciales, les Kurdes syriens deviennent, à partir de la bataille de Kobané (2014), le principal adversaire militaire de l’Etat Islamique (EI). Dépassant le cadre autonomiste, les Kurdes s’imposent comme un acteur incontournable, fondant en 2015 le Conseil Démocratique Syrien (CDS) dont les Forces Démocratiques Syriennes (FDS) constituent le bras armé.

Une alliance objective entre les Kurdes et Damas

Dès janvier 2018, toutefois, la situation des Kurdes syriens se détériore avec l’intervention de troupes turques en Syrie, soutenues par des milices rebelles islamistes, dans le cadre de l’opération « Rameau d’olivier ». Concentrée autour de la ville d’Afrin puis de Manbij, cette incursion vise un objectif double : d’une part, l’affaiblissement des troupes kurdes du YPG, le bras armé du Parti de l’Union Démocratique (PYD), considéré par Ankara comme une extension du PKK, parti kurde de Turquie, en lutte armée contre les autorités turques depuis 1984. En effet, en sécurisant le côté syrien de la frontière turco-syrienne, l’armée turque empêche la jonction entre milices kurdes de part et d’autre de la frontière. D’autre part, cette intervention est un moyen pour Ankara d’affirmer ses ambitions de puissance dans la région, en profitant de l’éclatement de la Syrie. Non seulement, la Turquie revendique ainsi un rôle clef à l’image de la Russie et de l’Iran mais elle peut également impulser une transformation ethnique, en remplaçant les populations kurdes d’origine par des populations turques ou arabes issues de ses milices alliées.

L’intervention turque est, cependant, restée limitée du fait de la présence auprès des Kurdes syriens de forces spéciales américaines. Elle a, en revanche, incité les Kurdes à amplifier leur dialogue avec Damas. Jusque-là, les deux camps pouvaient être considérés comme des alliés objectifs dans la lutte contre l’EI et les autres milices islamistes. Bien que ce statu quo n’ait pas empêché certains accrochages, et malgré leurs alliances antagoniques, Kurdes et loyalistes ont même coopéré à certains égards. Ainsi, lors de l’attaque turque sur Afrin, les troupes syriennes ont laissé des convois de miliciens kurdes transiter par leur territoire pour repousser cette agression. Tandis que pour les Kurdes il s’agissait d’un combat essentiel pour protéger des territoires de peuplement kurde et maintenir leur crédibilité militaire, Assad y voyait un moyen d’assurer l’intégrité territoriale de la Syrie à l’issue de la guerre civile, tout en affaiblissant potentiellement l’encombrante puissance kurde. En contrepartie, les milices kurdes patrouillaient dans certains quartiers d’Alep, au détriment de groupes rebelles. L’entente entre Damas et les Kurdes syriens était telle qu’en juillet dernier, le CDS ouvrait un bureau à Damas, tandis que nombre de ses membres se trouvent parmi les personnalités choisies par Staffan de Mistura, l’envoyé de l’ONU pour la Syrie, pour présider au dialogue sur l’avenir de la Syrie. Le retour des territoires contrôlés par les Kurdes dans le giron de Damas par une négociation gagnant-gagnant aurait assuré à Assad 75% du territoire national et une autonomie aux Kurdes.

Des cartes rebattues en faveur de Bachar el-Assad

Pourtant, le zénith du Kurdistan syrien semble bien être dernière nous avec l’annonce par Donald Trump du retrait progressif des troupes américaines chargées d’épauler les troupes kurdes. Ces dernières ont déjà demander l’aide de Damas pour repousser une nouvelle attaque turque imminente. Ce revirement donne toutes les cartes à Assad pour renforcer son emprise et être en position de force au moment du règlement de la guerre civile. En effet, Bachar el-Assad  a grand besoin des ressources céréalières et pétrolière sous contrôle kurde. Téhéran, de son côté fera pression sur Assad pour assurer un pont entre ses forces et milices alliées en Irak et le Hezbollah libanais. Il est probable que Damas exige de ne pas occuper seulement la frontière turco-syrienne comme l’espèrent les Kurdes. Pour autant, avec la présence en Irak de forces américaines, le risque de prolongation de la guerre civile et un Etat Islamique encore combatif, Assad pour limiter ses exigences. C’est toutefois un tournant pour le Rojava, le Kurdistan syrien, dont les perspectives d’autonomie sont maintenant bien maigres.

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