La Chine et l’Inde en Afrique : de nouvelles relations Sud-Sud
II est intéressant de remarquer que Chine, Inde et Afrique sont trois entités comparables en terme de volume de PIB et de population. D’ailleurs, de nombreux travaux sur la « Chinafrique » et à un degré moindre l’Indafrique » augmentent à la mesure des relations entre les trois ensembles. Multipolarisation, basculement de la richesse et de la puissance géopolitique vers les deux géants d’Asie sont des éléments majeurs qui prouvent l’obsolescence des théories libérales classiques de l’interdépendance Nord/Sud.
La domination de la Chine et de l’Inde en termes de puissance géopolitique (qui englobe enjeux économiques, militaires et diplomatiques) peut faire conclure à une forme de néocolonialisme. La priorité de la présence en Afrique de la Chine et de l’Inde reste en effet l’accès aux ressources du sous-sol(hydrocarbures et mines) et du sol (terres arables et forêts). Dans cette optique, IDE, concessions et contrats bilatéraux avec les Etats africains ne feraient que servir les besoins des deux géants asiatiques cherchant à asseoir leur puissance en Afrique, mondialisée mais peu mondialisatrice et encore marquée par le post-colonialisme, question qui ne se pose même plus pour la Chine et l’Inde.
Pourtant il serait simpliste de réduire ces relations transcontinentales à une nouvelle forme de colonialisme Sud-Sud, car l’embellie économique de l’Afrique, bien qu’occultée par la focalisation sur les zones de crises, est réelle. Facteurs endogènes (mesures d’assainissement, montée d’une classe moyenne, extension des marchés urbains…) et exogènes (augmentation des IDE, réduction du poids de la dette, montée du prix des matières premières…) expliquent ce phénomène, largement nuancé par le nombre de régimes rentiers qui perdurent, la faible diversification du tissu productif, le peu de dynamique intersectorielle et le chômage croissant des jeunes. Par ailleurs, les relations entre les Etats africains et la Chine ou l’Inde diffèrent largement entre les pays pétroliers (économies de rente qui deviennent de véritables partenaires), la puissance régionale semi-industrialisée du Sud (premier partenaire africain de l’Inde), les économies agro-industrielles à forte croissance où les diasporas asiatiques sont anciennes et les « angles morts » du développement pris dans le piège du land-grabbing.
On peut aussi considérer que l’émergence des puissances asiatiques en Afrique créé de nombreux espaces de liberté pour les Etats africains en leur donnant notamment de nouvelles capacités de financement.
Dans un horizon à vingt ans, la réponse peut être en faveur de l’accumulation productive pour l’Afrique.
Le continent disposera d’un capital naturel important et pourrait être le nouvel atelier du monde face à une Chine vieillissante et dont les coûts de production vont augmenter. Cette analyse ne doit bien sûr pas occulter l’incertitude démographique et politique qui caractérise encore les régimes africains très instables.