Les contradictions de la « doctrine Obama »
Dans un entretien publié par le magazine The Atlantic intitulé The Obama Doctrine, le Président américain en fin de mandat, revient sur sa politique internationale et ce qu’il a constaté pendant huit années au pouvoir. Les bombardements en Syrie, ceux en Libye, Sarkozy, Cameron, l’Ukraine et Poutine, tous les thèmes ont été évoqués lors de cette longue interview.
Les Américains ont pour tradition d’attribuer à chacun de ses présidents une doctrine de politique extérieure lui correspondant. Certaines ont marqués plusieurs décennies comme la doctrine Monroe ou celle de Woodrow Wilson. Que vaut celle de Barack Obama ?
Il ne s’agit pas ici de faire une critique du bilan international d’Obama, mais de mieux cerner son auto-évaluation. On note un écart important entre les propos d’inspiration « réaliste » confiés par le Président américain dans cet entretien et les différents discours qu’il a pu prononcer lors de son second mandat notamment. Ce décalage peut s’expliquer par un changement de posture, du politique à l’analyste. Plus étonnant : les différentes contradictions d’Obama sur les grands thèmes internationaux qui ont agité son second mandat, en voici quelques illustrations.
Un des points évoqués par Obama concerne la relation qu’il a entretenu avec son homologue russe Vladimir Poutine. Après quatre années passées à prendre position contre la politique « agressive » russe en Ukraine et en Syrie, il y décrit les relations professionnelles et constructives, allant jusqu’à présenter une analyse des intérêts russes et des rapports de forces existant en Europe de l’est. Ainsi l’Ukraine serait « d’un intérêt primordial pour la Russie, pas pour les États-Unis ». Obama minimise donc l’implication diplomatique américaine dans la crise ukrainienne et n’évoque pas les visites de la secrétaire d’État américaine Victoria Nuland durant le Maïdan à Kiev et la réception du nouveau gouvernement ukrainien à Washington après le renversement de Ianoukovitch. Plus globalement, si l’Ukraine est « d’un intérêt primordial pour la Russie », elle l’est de fait pour les États-Unis, car repousser l’influence russe en Europe, c’est accroître les positions pro-occidentales.
S’il n’épargne pas la Russie et « son manque d’influence » diplomatique dans le monde, suite aux crises ukrainiennes et syriennes, c’est l’Europe qui est le plus sévèrement critiqués par le Prix Nobel de la paix 2009. Il l’a juge responsable du chaos libyen et en tête, Nicolas Sarkozy et David Cameron, les deux grands artisans de l’intervention occidentale. Si dans son analyse Obama rejoint beaucoup de spécialistes géopolitiques, notamment sur les erreurs stratégiques entourant l’intervention, il oublie dans ses accusations de critiquer la large implication de l’OTAN lors de ces manœuvres militaires. On peut imaginer la cause de cette omission, du fait que le commandement militaire de l’organisation du traité atlantique nord est financé à 25 % par les États-Unis. Pour comparer en deuxième position arrive l’Allemagne qui finance 20 % de l’institution et en 3e le Royaume Uni qui la finance à hauteur de 10 %. En conséquence, dire que les États-Unis ne sont pour rien dans l’intervention en Libye semble au minimum paradoxal, au maximum une contre-vérité.
Obama « fier » de ne pas avoir bombardé le régime Al Assad
Lors de cette interview, le président américain a pris en apparence le contre-pieds du discours officiel qu’il a tenu pendant son mandat. Ainsi il s’est dit « fier » de ne pas avoir bombardé le régime syrien, lors de l’été 2013. C’est à ce moment-là que les tensions étaient les plus vivent lorsque la preuve de l’utilisation d’armes chimiques venaient d’être rapportée à l’ONU. Il ne faut pas ici lire la phrase à l’envers, à savoir qu’Obama serait fier d’avoir sauvé le régime syrien, elle s’explique plutôt à travers une résistance face aux pressions du Congrès américains et des Européens, la France en tête. Mais aussi la fierté d’avoir imposé une rupture avec la politique interventionniste de son prédécesseur George W. Bush. Sur ce point il se montre beaucoup plus clair que sur les précédents exemple.
Finalement, cette interview présentée par The Atlantic comme la définition de la « doctrine Obama » ressemble plus à un premier bilan incomplet de sa politique extérieure. Il nous faudra encore patienter encore quelques temps avant d’avoir un travail aboutit de la part du président américain mêlant analyses personnelles, idées et anecdotes pour nous permettre de définir ce qu’est la doctrine Obama.