Vers une « route de la soie polaire » ?
Xi Jinping a lancé la Chine dans un nouveau défi : ajouter l’Arctique à son palmarès. Vendredi 26 janvier, le gouvernement chinois a publié son premier livre blanc détaillant ses intentions en Arctique, annonçant notamment son intention de développer, à terme, une « route de la soie polaire ». La fonte des glaces arctiques aidant, la Chine espère accélérer le développement d’infrastructures minières et de transport en coopération avec les Etats du cercle polaire. Longtemps silencieuse sur ses objectifs dans la région, la Chine affirme sa volonté de jouer un rôle majeur dans l’Arctique, ultime front pionnier.
L’intérêt de la Chine pour l’Arctique remonte aux années 1980 mais se cantonne alors essentiellement à des recherches scientifiques portant avant tout sur l’impact de la fonte des glaces sur le climat chinois. Toutefois, à partir de la fin de la décennie 2000, la Chine a montré un intérêt économique et géopolitique pour cette région. Elle a notamment signé des accords avec les pays nordiques (Islande, Norvège, Groenland) portant non seulement sur une coopération scientifique, mais aussi sur de substantiels investissements chinois dans le secteur minier. Ne possédant aucun accès direct à l’Océan Glacial Arctique, la Chine s’est néanmoins vu reconnaître le titre d’observateur permanent en 2013, ce qui lui offre une tribune importante pour faire entendre sa voix. Si le gouvernement chinois s’est montré intéressé par les opportunités en matière de transport et d’extraction minière, les entreprises chinoises de ces secteurs ont conservé une position d’investissement relativement prudente, du fait des coûts substantiels liés à cette zone. Enfin, la pêche et le tourisme polaire constituent également des opportunités envisagées par Pékin.
Un plan ambitieux pour renforcer la présence chinoise
L’annonce du gouvernement chinois d’intégrer l’espace arctique à son ambitieux plan de « nouvelles routes de la soie » ou Belt & Road Initiative (BRI), lancé en 2013 dans le but de développer les infrastructures reliant l’Asie orientale à l’Europe, relève ainsi à la fois de l’aboutissement et de la vision d’avenir. En effet, la Chine a grandement accéléré sa présence dans la région au cours des dernières années : extraction de nickel au Canada, de fer au Groenland, acquisition de 20% de Novatek, l’entreprise russe qui exploite le champ gazier de Yamal, par PetroChina. Plus que jamais en quête de matières premières pour soutenir son économie en expansion, la Chine s’est rapprochée de la Russie. Cela s’explique aussi du fait de son intérêt pour la Route du Nord-Est (RNE) : avec la fonte des glaces le passage de porte-conteneurs devient possible et plus rapide que par la traditionnelle route passant par le détroit de Malacca et le canal de Suez, généralement encombrée. La construction d’un deuxième brise-glace et la réalisation de premiers transports ces deux dernières années signalent les avancées chinoises en la matière. La Chine se projette également dans un futur à moyen terme : l’engagement explicite du gouvernement pourrait renforcer les incitations des entreprises chinoises à investir dans l’espace arctique. Participer au développement de ports, routes et gazoducs pourrait dès lors donner à la Chine un poids considérable dans cette région encore peu exploitée. Au-delà de la Russie, la Norvège et la Finlande, points d’arrivée de cette hypothétique route de la soie, ainsi que le Japon et le Canada ont manifesté leur intérêt; seuls les Etats-Unis sont restés silencieux.
Cependant, la prudence est de mise car la présence chinoise dans l’Arctique reste limitée et l’ampleur des investissements chinois comparativement faible. La faible part allouée à des investisseurs étrangers dans les routes de la soie d’Asie centrale pourrait également en rebuter plus d’un. Le Royaume-Uni vient ainsi de refuser de signer un mémorandum d’accord avec la Chine concernant la BRI. Enfin, la Russie pourrait craindre que la Chine n’empiète sur ses plates-bandes géopolitiques.