Vers un nouvel embrasement du Cachemire indien ?
En janvier 2018, le cadavre d’une fille musulmane de 8 ans, nommée Asifa, est découvert dans la région de Kathua, au sud du Cachemire indien. Elle a subi des tortures, des viols collectifs avant d’être étranglée par un gang hindou, dans un temple de cette même confession. Bien que les individus passent actuellement en procès, la situation est extrêmement tendue dans le Cachemire indien, en insurrection depuis 1988.
Le manque de réponse du parti au pouvoir
Ce crime a été commis dans la ville de Kathua, majoritairement hindoue, au sud de la province du Jammu et Cachemire, majoritairement musulmane. Asifa fait partie d’une tribu musulmane appelée Bakerwal qui nomadise dans les montagnes du Cachemire. Les nationalistes hindous de Kathua ont menacé plusieurs fois les Bakerwal. Le crime contre Asifa a été commis dans le but de les terroriser et de les faire fuir loin de la région hindoue.
Des manifestations ont eu lieu pour protester contre ce crime et pour la justice. Le hashtag « Justice For Asifa » était ainsi l’un des plus utilisés en Inde sur Twitter, repris par des célébrités musulmanes ou hindoues, comme par exemple l’actrice Kareena Kapoor. Cependant, des manifestations ont également eu lieu en soutien aux criminels, dans une région du monde où le viol est considéré comme une arme de guerre. Plus problématique pour le gouvernement indien, dirigé par les nationalistes hindous du Bharatiya Janata Party (BJP), deux ministres ont participé à ces rassemblement de soutien aux criminels, ce qui a suscité d’importantes critiques. Le Premier Ministre Narendra Modi a réagi, rappelant que les criminels ne seraient pas épargnés, et révoquant les deux ministres en question, mais sa réaction semble trop faible et surtout trop tardive pour une grande partie de la population.
Les tensions hindoues-musulmanes au Cachemire
Bien que le gang ait été arrêté et que le procès ait commencé, des manifestations ont lieu régulièrement, amenant à de fréquents débordements. En effet, l’armée est présente au Cachemire depuis 1988 suite à une insurrection locale et réprime les mouvements populaires qui menace la stabilité de la province.
La région du Cachemire, majoritairement peuplée de musulmans, est dans un dilemme au moment de la partition indo-pakistanaise : son Maharaja, hindou, refuse l’intégration au Pakistan et aimerait l’indépendance. Cette situation, inadmissible pour le Pakistan, pousse le pays des purs à intervenir militairement pour occuper ce qu’elle perçoit comme son territoire légitime. À la demande du Maharaja, l’Inde intervient pour le protéger et empêcher l’intégration du Cachemire au Pakistan, en échange de son intégration à l’Inde. Le Cachemire est ainsi divisé.
Une forte autonomie est promise au Cachemire indien, alors que l’Inde, d’une manière générale, a intégré à son territoire plusieurs Etats princiers comme le Sikkim. Pourtant, cette autonomie ne voit jamais la jour et la population musulmane perçoit New Delhi comme un gouvernement d’occupation. Différents groupes armés apparaissent. Le premier à mener l’insurrection est le « Jammu & Kashmir Liberation Front », qui prône l’indépendance du Cachemire. L’armée indienne doit se déployer dans la région pour lutter et les exactions sont nombreuses contre la population civile. D’autres mouvements, islamistes et largement soutenus par Islamabad, apparaissent dès le début des années 90 : le Hizb-ul Mujahideen, le Lashkar-e Tayyba et le Jaysh-e Mohammad notamment. Une grande partie des hindous de la vallée du Cachemire de Srinagar (majorité musulmane) est contrainte à l’expulsion, estimée à 400 000 personnes.
Les tensions sont donc réelles entre hindous et musulmans. L’arrivée du BJP au pouvoir n’arrange rien : nationaliste hindou, le gouvernement de Modi multiplie les réformes pour discréditer l’apport islamique en Inde, dans un pays où les inégalités touchent fortement la minorité religieuse : la proportion de musulmans vivant sous le seuil de pauvreté dans les villes indiennes est plus importante que celle des Intouchables, le groupe de castes le plus marginalisé et le plus discriminé du sous-continent indien. Modi lui-même a eu un rôle plus que douteux dans les émeutes du Gujarat de 2002, lorsqu’il était gouverneur de la région. Il lui est donc difficile de se rendre sympathique auprès d’une minorité qu’il persécute, en particulier au Jammu et Cachemire qui est la seule province indienne à majorité musulmane. Ramener la paix dans la région s’avère donc être un exercice difficile sinon impossible.