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Lampedusa : l’Europe face à ses migrants

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Le naufrage qui a couté la vie à près de 300 migrants clandestins africains qui se dirigeaient vers l’île de Lampedusa remet d’actualité la question de la politique d’immigration de l’Union européenne. Pôle migratoire majeur, l’UE rechigne néanmoins assouplir sa législation relative à l’asile et l’immigration.

Les « boat people » contemporains qui s’aventurent régulièrement vers l’UE ne sont pas nouveaux. Dans l’île de Lampedusa, porte d’entrée sur le continent, le centre d’accueil des migrants prévu pour loger 250 personnes en compte plus de 1000. Face à cet afflux continu et au drame récent, le gouvernement italien a annoncé un accroissement de l’offre d’accueil à l’échelle nationale passant de 8000 à 24000 places. De même la loi Bossi-Fini de 2002 ainsi que les mesures prises en 2009 créant un « délit de clandestinité » pour les personnes se trouvant sur le territoire italien sans autorisation sont actuellement remises en cause tant elles ont renforcé la dureté des conditions d’accueil des migrants dans une Europe vue comme une forteresse. Le monde compte actuellement 220 millions de personnes en situation de migration, et si elles sont essentiellement régionales, certains espaces comme l’UE exercent une attractivité particulière. Ainsi migrants économiques et demandeurs d’asile issus du voisinage (Afrique subsaharienne et Proche Orient) se côtoient et la distinction entre ces deux catégories de migrants ne cesse de poser problème. Si les premiers ont vocation à être accueillis, ce n’est pas le cas des seconds.

La tragédie de Lampedusa laisse l’Europe avec une politique migratoire toujours hésitante

L’urgence à définir une politique commune à l’échelon européen se fait ainsi de plus en plus sentir. En vingt-ans, près de 20 000 migrants tentant de rejoindre l’Europe ont trouvé la mort et les associations et réseaux d’aides aux migrants ne manquent pas d’en faire porter la responsabilité à l’UE. Si le continent ne peut pas accepter l’ensemble des migrants sur son territoire une clarification de leur gestion ainsi qu’une coopération effective parait nécessaire.

Des difficultés internes en limitent tout d’abord la réalisation : la montée des populismes en Europe ainsi que le contexte économique mêlant chômage important et croissance atone favorisent une politique migratoire sévère. Aussi, domaine de souveraineté par excellence, il est difficile pour l’UE d’imposer à l’ensemble des Etats membres une approche unique, d’autant plus que selon leur position géographique et leur développement économique les Etats sont différemment affectés par les afflux de migrants.  Des dispositifs spécifiques (création de l’agence Frontex en 2005, dispositions dites « Dublin 2 » obligeant les Etats du sud de l’UE à traiter seuls les demandes d’asile déposés sur leur territoire) ainsi que des mécanismes d’aides extérieurs (aide matérielle aux pays limitrophes de la Syrie par exemple) ont été mis en place mais la tragédie de Lampedusa met en exergue leurs limites.

Si la question de l’asile, notamment concernant les pays en situation de crise, semble ou peut être réglée sur le modèle, à l’étude, de la gestion des réfugiés de la guerre de 1999 au Kosovo qui ont disposé d’une protection  immédiate et temporaire, celle des migrants économiques demeure.

Réunis lors d’un conseil relatif aux affaires intérieures le 8 octobre, les ministres de l’Intérieur de l’UE étaient particulièrement attendus sur ces questions. Un accord politique sur la création d’une opération de sécurité et de sauvetage par Frontex sur la Méditerranée et d’une « task force pour la Méditerranée » ont été adoptés. La majorité (24 sur 28 des Etats membres) reste opposée à toute modification des dispositifs actuels. Cette ébauche de politique migratoire semble ainsi limitée face à l’enjeu qui se présente à l’UE, qui nécessiterait une politique migratoire combinée à une politique étrangère commune, elle aussi inexistante.

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